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Critique de Musa_aka_Cthulie


J'avais vu le film, le premier long-métrage de Sofia Coppola, que j'avais beaucoup aimé . Bien des années plus tard, je découvrais que, comme c'est souvent le cas, il existait un roman - le premier de son auteur - à l'origine du film. Je l'ai acheté, et puis il est resté sur mes étagères plusieurs années, sans que je me décide à me lancer. Je suppose que le souvenir du film me retenait. Or, si on a bien une histoire commune aux deux oeuvres, le point de vue est sensiblement différent.


J'ai observé que pas mal de lecteurs se plaignaient de savoir dès le début comment l'histoire finissait. Alors déjà, lorsqu'on a dans les mains un roman intitulé Virgin Suicides, c'est quand même difficile de ne pas deviner de quoi il est question, du moins en partie. Et en toute logique, il est nécessaire que le lecteur soit mis dès la première page au courant du drame au coeur du roman, à savoir le suicide de cinq soeurs âgées de 13 à 17 ans, sur une période d'environ un an dans une petite communauté américaine. Parce que ce roman est justement l'anatomie d'un drame communautaire, qui hante encore les narrateurs des dizaines d'années plus tard. Et c'est là que le roman diffère fondamentalement du film, qui se focalisait sur les soeurs Lisbon mais laissait de côté les narrateurs qu'il utilisait en voix off.


Ici, tout est volontairement laissé dans le flou : période du drame, noms des narrateurs, le quotidien des soeurs Lisbon qui n'est vu que de l'extérieur et filtré par le biais des souvenirs. le sujet même de l'enquête d'adolescents souhaitant reconstituer les circonstances du drame et trouver une explication à ces cinq suicides reste sujet à caution. Que cherche-t-on vraiment à élucider ? le drame, ou ce qu'est l'adolescence - et particulièrement l'adolescence masculine, cette initiation à des mystères insondables nourris par la vision de cinq jeunes filles qui se sont évaporées dans les limbes ?


Tout en disséquant en apparence le suicide de cinq jeunes filles, Virgin Suicides relate l'obsession des narrateurs à revenir encore et toujours sur cet événement traumatique. On ne voit pas seulement des jeunes filles victimes d'une mère abusive jusqu'à devenir des prisonnières, on ne voit pas seulement une famille se désagréger en même temps que sa maison ; c'est toute la communauté qui semble s'être délitée aux yeux des narrateurs. Des narrateurs qui ont vécu leur adolescence dans le parage des soeurs Lisbon, qui ont été hantés par l'image de cette entité unique et fascinante qu'elles formaient à leurs yeux. Mais de ces narrateurs, on ne sait finalement rien. Sont-il seulement plusieurs ? Car eux aussi parlent tels une entité unique. Sont-ils seulement devenus des adultes médiocres, comme ils le disent, toujours intégrés dans la même communauté depuis leur naissance ? Ou est-ce là le récit d'un fantasme né d'un drame, d'un fantasme adolescent qui n'aurait jamais évolué pour être dépassé, et qui fait des narrateurs les véritables fantômes du roman ?Et qui raconte cette histoire, au final si amer ?
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