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Critique de BazaR


Bienvenue à VengeanceLand !
Votre mère et son amant ont assassiné votre père ? Vous et votre frère voulez le venger en assassinant les deux mécréants ? Ne vous gênez pas ! Voici ici révélé le mode d'emploi. Attention, une fois l'objectif atteint il vous sera réclamé un paiement… pas forcément à votre goût.

Alors la mère c'est Clytemnestre, l'amant Égisthe, le père Agamemnon, le frère Oreste et bien sûr, « vous » est Électre. Ah, le joli monde des Atrides ! On a parfois l'impression qu'ils ont pour devoir divin de s'entretuer et qu'il ne doit qu'en rester qu'un à la fin. Et je ne suis pas si loin de la vérité en parlant de devoir divin : la moitié des effusions de sang des Atrides est ordonnée par les Dieux.
Si Clytemnestre veut éliminer son mari, c'est qu'Agamemnon a fait tuer leur autre fille Iphigénie pour que les Dieux accordent le droit de passage aux Grecs afin d'aller bouffer du Troyen. Une raison aussi valable que celle de sa fille de la tuer elle. Euripide n'hésite pas à confronter les deux femmes dans une scène qui ressemble à un procès officieux où Électre ferait office de procureur et Clytemnestre d'avocat/accusée. Clytemnestre est-elle coupable ou bénéficie-t-elle de circonstances atténuantes ? le but du jeu est de permettre au jury de spectateurs de peser les actes et de se construire une conviction en son for intérieur. Moi j'aurais tendance à être de son côté.

Le même questionnement peut se faire sur le cas Électre - spontanément son comportement jusqu'au-boutiste me fait diriger le pouce vers le bas ; en revanche il n'y a pas photo pour Oreste : Apollon lui a ordonné d'assassiner sa mère et son amant, donc acte.

Euripide emballe cette belle petite tragédie avec des rubans de différentes couleurs. Il profite du choeur pour raconter des mythes assez éloignés de l'action présente comme la description des armes d'Achille ou l'histoire d'Atrée et Thyeste ; cela change des pleurnichailles habituelles. Il s'adresse directement à ses spectateurs en leur assénant des vers moralisateurs (à deux balles souvent, mais bien écrits) et il n'hésite pas à glisser son opinion sur des sujets d'actualité (l'expédition de Sicile, on est en pleine guerre du Péloponnèse) ou à casser son prédécesseur Eschyle en ridiculisant les arguments que ce dernier employait dans sa propre version d'Électre (les Choéphores).

Seule ombre au tableau, l'insistance constante du traducteur (dans ma version, Victor Henri Debidour) à relever les incohérences dans les arguments prêtés aux acteurs. Cela casse un peu la magie.

Je ne peux pas encore comparer cette Électre à ses copines d'Eschyle ou Sophocle, voire de Giraudoux. Cela viendra… un jour.
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