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Critique de oblo


oblo
02 septembre 2020
Une ville la nuit. Trois personnages déambulent de bar en bar, cherchent à faire la fête et à se changer les idées. Derrière les verres partagés et les danses endiablées se cachent la nostalgie, la détresse et les incompréhensions. Les errances nocturnes ne sont pas si innocentes ; elles cherchent à donner du sens à des vies qui semblent pouvoir être bouleversées à tout moment.

Jona est le premier personnage que l'on croise. Il doit partir le lendemain à Berlin, pour rejoindre sa femme avec laquelle il est marié depuis peu. Aucun de ses amis n'est disponible pour fêter ce départ, alors Jona décide d'aller, une dernière fois, à la rencontre de la nuit parisienne. Il croise le chemin de Buzz, un ami qu'il aurait probablement préféré oublier, tant le personnage est encombrant. Physiquement imposant, Buzz est volontiers bagarreur, dragueur lourdingue et consommateur de drogue. Il sort à peine de prison et il est bien le seul, dans la nuit, à proposer à Jona une virée mémorable qui, par son côté chaotique, finit par faire ressortir le sens véritable de l'amitié.

Connu sous le nom de Baron Samedi, Rodolphe a perdu le goût de la fête. Son beau personnage héroïque, habillé de costumes excentriques et toujours prêt à toutes les folies nocturnes, s'encombre au début de l'histoire d'un vulgaire paquet de papier toilette, triste symbole d'un train-train emmerdant. Au fil de la soirée, aidé par quelques substances illicites, Rodolphe renaît, cependant, retrouve sa joie et accepte le jour nouveau.

Le dernier personnage, Victoria, traverse elle aussi une mauvaise passe. Entourée par sa soeur, son ex et la compagne de celui-ci, Victoria traduit son mal-être en indécision irritante. C'est le goût de la fête et par conséquent, celui de la vie, qui lui manque, malgré toutes les attentions de sa soeurette, malgré toute la bonne volonté de ceux et celles qui l'entourent et sont prêts à faire (presque) n'importe quoi pour la divertir, à l'image de la soi-disant hypnotiseuse. Tout ce que peut offrir Paris la nuit en clubs, boîte et bars ne suffiront pas. Il n'y qu'auprès d'un chauffeur de taxi volontiers mythomane qu'une lueur d'espoir brillera bien faiblement.

Esthétiquement superbe, l'album de Brecht Evens est un remarquable road-trip excessivement coloré et génialement aquarellé. Pas de bulles qui pourraient cacher une partie du travail de l'auteur belge : l'identification des locuteurs se fait selon la couleur des lettres. le niveau de détail, à chaque page, est incroyable, reflétant à merveille le véritable fourmillement de la vie nocturne parisienne. L'ambition du scénario, de suivre trois personnages durant une nuit entière, se reflète dans cette forme très libérée de bande-dessinée : chaque personnage dessiné semble avoir sa vie propre, et cela contribue fortement au réalisme de l'oeuvre. Brecht Evens alterne entre les plans serrés sur un groupe de personnages, perçus comme dans une bulle, et des plans élargis où l'on voit tout de la scène, où l'on comprend le caractère pour ainsi dire monstrueux de la fête. On peut y voir une prétention de l'auteur à montrer toutes les interactions sociales qui se passent en même temps dans un même lieu. de ce point de vue, Les Rigoles apparaît comme un album très ambitieux de ce point de vue. Et force est de constater que Brecht Evens se donne les moyens de son ambition.
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