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Critique de evergreen13


Les Anaks
Ayant bien aimé les deux premiers thrillers de l'auteure (Les petites filles / le gamin des ordures), c'est sans hésitation et presque les yeux fermés (oui, je sais, ce n'est pas l'idéal pour lire !) que j'ai choisi celui-ci. J'avais aperçu le mot « Sumatra » synonyme de dépaysement (bienvenu en ce début d'année bien gris) et je pensais retrouver Lina, personnage principal des thrillers précédents. Malheureusement, Lina est absente de ce roman… que je referme un peu déçue.
Le dépaysement est bien au rendez-vous : l'intrigue se situe en Indonésie, à Sumatra donc, une quinzaine d'années après le tsunami qui a ravagé l'île et rayé de la carte la ville de Banda Aceh. Nous y rencontrons Dea, une petite fille qui décide de quitter sa famille en voyant ses parents se priver (notamment de manger), pour lui permettre, ainsi qu'à ses soeurs, d'aller à l'école. Dea échoue dans une grande ville, Kotanak, mais le mirage d'une vie plus facile est très rapidement balayé par la très dure réalité : Dea n'a pas d'argent, pas d'endroit où aller… Elle se retrouve à la rue, comme des milliers d'enfants. C'est également à Kotanak que deux amis Aron et Ardi sont arrivés après que leur village et leurs familles aient disparus dans la catastrophe du 26 décembre 2004. Eux seuls ont survécu : ils étaient partis jouer sur les hauteurs. A Kotanak, Aron et Ardi se sont débrouillés : petits boulots, quelques larcins… Jusqu'à ce, qu'inévitablement, ils soient recrutés par le PPS la terrible mafia qui règne sur les trafics, et notamment le trafic de drogue. Mais Aron s'en est sorti : il a quitté le PPS et s'occupe maintenant d'une bande de gamins des rues, les anaks. Certes ils dorment dehors, mais ils vendent aux touristes quelques colliers de leur fabrication, sur les trottoirs de la ville, en attendant de pouvoir louer un local. Aron va prendre Dea sous son aile et l'intégrer aux anaks. Voici Dea sauvée, au moins a-t-elle échappé aux multiples dangers qui guettent les enfants des rues de Sumatra. Vraiment ?
Le contexte du roman n'est pas inintéressant. L'auteure a vécu une année en Indonésie (cf les remerciements, et l'association Kolibri) et son écriture fait bien passer son ressenti. La société indonésienne est multiple : de notre porte (en Europe) on ne connaît finalement que les superbes paysages de Bali, les volcans, les temples, la faune et la flore luxuriante… On ne sait rien, ou pas grand-chose, de la population. A travers les personnages des policiers, l'auteure nous fait entrer dans les contradictions de ce pays multiculturel. En Indonésie, bien que 90% des indonésiens soient musulmans, cinq religions sont reconnues et sensées cohabiter en paix. le chef Janter proche de la retraite s'est rapproché de l'islam rigoriste. Son collègue Angka Zahara est plus modéré mais il est déboussolé par son divorce. Quant à Namira, une jeune policière brillante, elle est cantonnée à un travail de bureau. Elle milite au sein d'une organisation qui prône l'égalité hommes-femmes et l'exercice libre de sa religion (au grand dam de Janter, elle refuse de porter le voile islamique : « Ce n'est pas obligatoire. Dans la police, le jilbab a même été prohibé pendant des années au nom de la neutralité vestimentaire »). La condition féminine est également l'un des sujets majeurs du roman, et de ce côté-là, il y a beaucoup à faire. On apprend notamment que pour être admises dans la police, les femmes doivent présenter un certificat de virginité. La pauvre Namira, toute intelligente qu'elle soit, ne pourra jamais accéder à un poste d'inspectrice parce qu'elle est une femme… On apprend également que le divorce par consentement mutuel n'existe pas… Pas plus que les mariages inter-religieux : l'épouse de Angka Zahara a du se convertir à l'islam pour l'épouser (et comble de l'horreur, je n'en suis pas encore revenue, accepter d'être excisée… : « As-tu conscience de ce que j'ai dû faire ? Avant toi j'avais une belle vie, un gagne-pain, ma famille, des amis. J'ai tout quitté pour te suivre. Je suis devenue musulmane. Et ce n'est pas tout. J'ai été excisée, Ankga ! On a enlevé un morceau de mon corps. Tous mes proches s'opposaient à cette opération. Je l'ai fait pour toi. »).
En revanche, j'ai moins aimé l'intrigue policière qui m'a semblé brouillonne, oscillant entre la traque du PPS par la police et les assassinats d'enfants. Il y aurait eu largement de quoi faire avec l'un ou l'autre des fils conducteurs du polar…
Au final, un thriller en demi-teinte, avec certains côtés très intéressant et d'autres qui m'ont laissée spectatrice alors que j'attendais d'être assaillie d'émotions (du coup les kleenex se sont avérés inutiles !).
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