Julie Ewa est une auteure complètement à part parmi tous ceux dont je suis les parutions. Ce roman qui n'en est pas totalement un s'inscrit complètement dans la lignée des précédents que j'ai lu, "
Les petites filles" et "
Le garçon disparu", dans le sens où ses personnages principaux sont des enfants, et surtout il s'inspire une fois de plus du vécu de
Julie Ewa. Cette jeune femme d'origine alsacienne (je le mentionne parce que je suis fière d'avoir des compatriotes comme elle !) est très impliquée dans la protection de l'enfance, notamment par le biais de son association "Kolibri" dont je vous invite à visiter le site : https://associationkolibri.wixsite.com/site.
Elle s'est fortement inspirée de l'année qu'elle a passée en Indonésie, sur l'ïle de Sumatra précisément, où se déroule l'histoire de Dea et de ses camarades les Anak (enfant, en indonésien).
Il s'agit d'un ethno-polar, c'est-à-dire qu'il y a bien une enquête sur les membres d'une mafia locale qui exploite des enfants pour écouler de la drogue, mais le plus intéressant réside dans la découverte du quotidien d'une petite ville de Sumatra (fictive, mais certainement très proche de la réalité), Kotanak. Dea, une fillette de 11 ans à peine, a quitté son village dans la jungle pour soulager ses parents, trop pauvres pour payer les frais de sa scolarité. Elle pense naïvement pouvoir gagner de l'argent à la ville et retourner ensuite chez elle les poches pleines. Mais elle déchante vite, dès les premières heures elle va apprendre à ses dépens qu'un enfant seul est une proie facile. Mais heureusement pour elle, un "streetboy", Aron, va la prendre sous son aile, elle rejoint la petite troupe d'enfants des rues qu'il protège et nourrit grâce à la vente de bijoux artisanaux. Bien sûr, une série d'évènements tragiques va bientôt secouer ce relatif bonheur, et Dea va se retrouver dans un orphelinat catholique...
On en apprend beaucoup sur la condition féminine à Sumatra, et croyez-moi, ça ne va pas en s'améliorant. L'Islam radical grignote de plus en plus les libertés des femmes, à cause de l'influence économique grandissante de l'Arabie Saoudite qui exporte par la même occasion ses idées "progressistes".... J'ignorais tout de cette situation, ne connaissant de l'Indonésie que la façade qu'on donne à voir aux "bule" (les touristes). L'un des personnages est une jeune femme agente dans la police locale, Namira. A travers elle, qui milite dans une association musulmane modérée, Feminis, pour l'égalité hommes-femmes, nous apprenons effarés qu'un test de virginité est exigé pour travailler dans les forces de l'ordre. Et qu'on ne lui offrira jamais la possibilité d'évoluer dans sa carrière, alors qu'elle rêve de devenir inspectrice. Namira et Aron sont les deux personnages qui m'ont le plus touchée, même si Dea et ses compagnons sont également très attachants. Bien d'autres protagonistes sont également intéressants, on rencontre un vieux monsieur qui a transformé son appartement en bibliothèque pour les enfants des rues (d'ailleurs il existe réellement, comme nous l'explique
Julie Ewa dans les remerciements), un inspecteur qui doute de sa foi et s'attire les foudres de son supérieur de plus en plus attiré par l'Islam radical. Bref, un récit riche, souvent poignant et très humainqui m'a réellement fait voyager au sein de cette civilisation constituée de gens modestes, voire très pauvres, mais pour qui l'entraide n'est pas un vain mot.
Je ressors de ma lecture très émue, et je remercie
Julie Ewa de nous faire prendre conscience des drames humains que nous ignorons trop souvent.
"
Jungle pourpre" n'est certes pas ce qu'on peut considérer comme de la grande littérature, mais pour moi il est bien plus que ça, et je compte bien continuer à suivre
Julie Ewa.