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Critique de MademoiselleBouquine


Amy Ewing aime s'inventer des mondes parallèles aux mythologies foisonnantes et incontestablement dépaysantes. Elle l'avait fait dans sa trilogie du Joyau, que j'avais lue il y a déjà plus de deux ans de cela, et récidive avec ce nouveau dyptique, La Cité du Ciel. Encore une fois, elle s'illustre par une imagination assez remarquable, mais pêche ici par un rythme mal géré, une certaine poussivité dans la narration, et certains aspects de l'histoire qui se cherchent encore un peu.

C'est avec son ouverture que le roman brille le plus, en plongeant ses lecteurs dans une société absolument fascinante, qui, chose rare dans ce genre littéraire, paraît en tous points innovant et inventif. On découvre ainsi un peuple matriarcal, qui vit en autarcie sur une planète vaguement lunaire rattachée à une autre, où la magie coule dans le sang de chacune, où les couples sont des trouples liés à vie et où l'idée même d'individu masculin est une folie.

On y découvre Sera, jeune novice s'apprêtant à faire ses premiers pas dans sa vie d'adulte, complètement larguée, voire assez isolée, si ce n'est la présence de sa meilleure amie Leela. Alors qu'elle réalise qu'aucune des perspectives que son monde lui offre ne la satisfait, elle est brusquement révélée comme martyr choisie par la déesse de son peuple pour, en gros, permettre à la Cité du Ciel de survivre. Incrédule et stupéfaite, celle qui paraissait le moins susceptible d'être élue se résout néanmoins à se sacrifier, et fait ses adieux à sa famille. Mais lorsqu'elle bascule enfin pour couper le cordon qui relie la Cité à la planète, rien ne se passe comme prévu : non seulement elle échoue à le trancher, mais elle finit par atterrir sur terre, vivante, là où elle était censée périr en route. A partir de là démarre pour elle un périple plus qu'accidenté, au cours duquel elle tente de comprendre pourquoi sa mission a tourné ainsi, et surtout, quels étaient les enjeux véritables derrière sa désignation.

Le roman alterne donc entre différentes parties, la première sur la Cité du Ciel elle-même, et ensuite en alternance entre plusieurs décors, sur la planète des Humains notamment. Les personnages sont nombreux, plus ou moins intéressants, plus ou moins creusés, mais il est indéniable que l'autrice sait rendre ses atmosphères prenantes et surtout palpables, avec un ton propre à chaque fois, une imagerie convaincante, des règles tacites et marquantes.

En revanche, ce qui surprend et chagrine un peu, c'est l'entremêlement de cette extraordinaire inventivité à d'autres aspects assez communs, voire franchement oubliables. On a donc en opposition cette Cité du Ciel assez captivante et ce pays peuplé d'humains, Kaolin, malheureusement plus qu'austère, voire assez lassant, ou encore l'intervention dans la mythologie du roman de noms poétiques tels que "mère céladon" ou "mère violine" face à des appellations plus que plates comme "la Grande Tristesse".


Le tout est plutôt prometteur, mais déçoit quelque peu sur le plan narratif, avec une histoire qui poireaute assez longuement et trouve une conclusion assez évidente. On a envie de lui pardonner ce dénouement en demi-teinte puisqu'un second tome est prévu, mais reste que le récit en lui-même paraît finalement frustrant, tant on sent que certains de ses personnages ou aspects auraient pu être porteurs si plus approfondis - typiquement, le personnage d'Agnès.

Qu'on se le dise : c'est long, bon sang que c'est long. L'autrice fourmille de bonnes idées - une piratesse invéterée ? Une femme scientifique passionnée ? Des conflits générationnels entre peuples ennemis ? Une extra-terrestre aux pouvoirs inexplorés ? Je dis oui -, mais ne parvient ni à les faire interagir convenablement, ni à les coordonner en un rythme plaisant et harmonieux. Plusieurs dizaines de pages s'écoulent parfois dans une monotonie assez frappante, d'autres au contraire accumulent les péripéties, bref, c'est assez inégal, et une fois l'ouverture consacrée à la Cité du Ciel achevée, mieux vaut s'accrocher. le final relève le niveau, reste à voir ce qu'il en sera dans le second opus.

L'autrice verse également dans un autre écueil de la littérature YA : insister, encore et encore, sur certains aspects, comme le fait que oui, vraiment, le cordon qui relie la Cité du Ciel à la planète des humains est extrêmement beau et tissé d'argent, d'or et de bleu (ça a l'air sympa dit comme ça, mais après cinq occurrences, disons que bon, on s'en lasse), ou même nous livrer la sempiternelle et horripilante réflexion "tu n'es pas comme les autres filles", qui me donne personnellement des poussées d'urticaire assez violentes. On apprécie cela dit l'absence de romance intempestive - merci, merci, vraiment, merci -, et la volonté de créer des personnages nouveaux et dénués de stéréotypes.

Je ne nierai pas avoir apprécié le dépaysement certain que m'a procuré le roman, ni avoir eu envie de savoir de quoi il en retournait, reste qu'à mon sens, La Cité du Ciel demeure largement en-dessous du Joyau, tant sur le plan de la mythologie, des personnages, des enjeux politiques que de l'écriture - assez plate ici, et réserve une lecture parfois assez laborieuse. Il s'agit donc d'un potentiel moment d'escapade, appréciable surtout pour tous les passages consacrés directement à la société matriarcale imaginée par Ewing, mais à part cela assez commun. A vous de voir donc !
Lien : https://mademoisellebouquine..
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