AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de JIEMDE


Souvenez-vous : dans Gatsby, Fitzgerald donnait à Nick Carraway le rôle de voisin-témoin-ami et narrateur d'une chronique nostalgique et féroce de la société américaine des années 20.

Dans Nick, traduit par Pierre Szczeciner, Michael Farris Smith lui invente un passé et une âme, imaginant le préquel de ce qui fut - et reste - un des monuments de la littérature US, son personnage étant cependant le seul lien entre les deux livres.

Nick, c'est avant tout une histoire de solitude. Une solitude qui débute dans une famille du Minnesota où le fiston est élevé entre une mère aux longues phases dépressives et un père taiseux qui n'attend que de placer son fils à sa succession dans sa quincaillerie. Des liens plus que de l'amour, et si peu de démonstrations.

« …et c'est alors qu'il entendit les portes se fermer dans sa tête. D'abord, sa mère fermant la porte de la chambre, puis son père fermant celle du jardin. Jamais aucun mot de haine ou de ressentiment, seulement des portes qui se fermaient, et ensuite rien. Les regards vides, les dos tournés et les grincements d'une maison sombrant dans le silence. »

Pour fuir ce destin dont il ne veut pas, Nick s'enrôle et part combattre en France pendant la Grande Guerre, dont l'atmosphère et les horreurs donnent lieu à une première partie sublime autant que glaçante, où la plume de l'auteur atteint son meilleur.

« La nuit venue, ils sortirent de leur trou. La terre entre la tranchée et les premiers arbres n'était plus qu'un no man's land de cratères et de fosses. Plus un centimètre carré de terrain plat. La pluie avait formé des flaques boueuses et de véritables mares, un environnement abominable pour une armée qui devait progresser à plat ventre (…) Autour d'eux, des explosions continues, tandis que la séparation commençait à se faire entre les vivants, les morts et tous ceux qui n'avaient toujours pas fait leur choix. »

Seule éclaircie dans ce tableau bien sombre, les jours et les nuits passées avec Ella à Paris lors de ses permissions. Disparue sans prévenir, Nick n'aura dès lors de cesse que de la retrouver, à Paris puis à La Nouvelle Orléans où elle passa jadis.

Une longue quête qui replongera Nick dans sa solitude et ses tourments, augmentés par les syndromes traumatiques d'un conflit dont il ne pourra se défaire.

« Nick se redressa. Prisonnier de l'obscurité. Condamné au néant parce qu'il n'avait pas été assez mauvais pour aller en enfer ni assez bon pour aller au paradis et il restait coincé là. Son unique réussite était d'avoir survécu, et elle était due au hasard. »

Loin du style de Gatsby, Nick est un roman intime, profond et déconstruit. Des forêts de la Somme aux quartiers animés du Vieux Carré, Nick traverse le livre l'âme en peine, cherchant un rebond qu'il ne peut trouver.

C'est un pur bonheur de retrouver le style de Michael Farris Smith, qui prend son temps au risque parfois de quelques longueurs, tient son lecteur en attente de quelque chose qui ne viendra jamais, mais convainc haut la main par l'élégance et la beauté de son écriture.

Alors forcément après ça, il ne reste plus qu'à relire Gatsby…
Commenter  J’apprécie          355



Ont apprécié cette critique (34)voir plus




{* *}