Le premier volume de "La Trilogie de l'Empire" avait frôlé le coup de coeur. J'avais adoré cet univers de fantasy asiatique, largement inspiré du Japon féodal, cette atmosphère de complot, et l'ingéniosité de Mara, notre personnage principale.
Je n'ai rien retrouvé de tout cela dans ce second opus. "La Trilogie de l'Empire" est censée pouvoir être lue indépendamment de la saga "La Guerre de la Faille", de Raymond Feist. Pourtant dans ce tome, tous les éléments d'importance y sont reliés. Tous les retournements de situation ayant un impact considérable sur la suite des événements sont des péripéties de "La Guerre de la Faille". Outre le fait d'avoir clairement le sentiment de manquer quelque chose, cela fait que les enjeux de l'histoire se pratiquent majoritairement hors-champs.
Cela concerne même la mort de personnages importants comme Almecho, l'ancien seigneur de guerre. A la fin du tome un, il était suggéré que cet homme influent pourrait devenir un ennemi d'envergure face à Mara. Idem avec Desio, le nouveau seigneur des Minwanabi et antagoniste principal. Pendant la moitié du volume, nous suivons son point de vue, avant qu'il ne disparaisse soudainement en coulisse. Ce n'est même pas Mara qui parvient à le vaincre, il décède suite aux évènements de la saga originelle !
La romance prend toute la place dans cette suite, au détriment des complots et des manoeuvres intelligentes tant appréciés dans le premier volume. Et cette romance, parlons en ! Je l'ai trouvé personnellement très dérangeante. Elle est censée mettre en scène un couple issu de cultures différentes, parvenant à déconstruire leurs stéréotypes respectifs de par la force de leurs sentiments. Mais en réalité, cela m'a paru maladroit : la relation se construit sur des rapports de domination, les deux personnages n'ont aucun dialogue vraiment profond, il nous est juste précisé presque une fois par chapitre qu'ils ont des ébats passionnés. Ce qui fait que nous sommes sur une "grande histoire d'amour"... très creuse, finalement. Je ne me suis aucunement sentie émue par les fluctuations de cette relation, qu'en plus de ça j'ai trouvé lourde et prévisible.
Dès les chapitres 14-15, on peut deviner que Kévin repartira sur Midkemia, que Mara sera enceinte de lui à son départ, et qu'elle épousera le seigneur Hokanu des Shinzawaï. A près de quatre cents pages de la fin donc, on parvient nettement à deviner la conclusion de toute cette histoire.
La famille Minwanabi, la grande menace pesant sur Mara, m'a donné l'impression d'avoir de "menace" que le nom. J'ai eu un espoir avec l'introduction d'un nouveau personnage, présenté au départ comme étant calculateur et intelligent. J'espérais un adversaire de la même envergure que Mara, capable de lui faire face, de lui donner du mal. Et plus l'avancée dans l'intrigue se faisait, plus grande était la désillusion.
Tout d'abord, on a le droit à la "justification" de la cruauté des Minwanabi : cela serait dû à une maladie dans leur sang, se transmettant dans toute leur lignée. J'ai trouvé ça peu subtil... Ensuite, Tasaio, sur qui j'avais tant d'espoirs, se révèle finalement non pas froid et intelligent, mais un homme trop convaincu de sa victoire, ce qui l'empêche de réagir avec ruse une fois parvenu au pouvoir. Il est avant tout défini selon ses pulsions, alors qu'il nous était présenté comme un antagoniste réellement dangereux au départ.
D'ailleurs, en parlant des Minwanabi, les comparaisons constantes entre Desio "gros et stupide" et Tasaio "mince et intelligent" à presque chaque chapitre étaient difficiles. Je sais que le roman a plus de trente ans, mais les allusions grossophobes toutes les cinq pages, où tous les ennemis sont systématiquement obèses et simplets, c'étaient vraiment problématiques.
Enfin, parlons de Mara. La brillante, intelligente Mara, virtuose du Jeu du Conseil. A grand regret, une fois encore, nous n'avons rien de tout ça. Elle me paraît presque absente, durant tout ce tome, éclipsée par Kévin. Il faut attendre d'avoir dépassé les vingt chapitres, sur 27, pour qu'elle commence à concrètement entreprendre des actions offensives plutôt que d'être dans l'attente ou de jouer le jeu des autres. Et même là, j'ai trouvé que ces manoeuvres manquaient d'ampleur. Les quelques bons mouvements d'échiquiers sont purement des coups de bluff, ne menant à rien. Mara est systématiquement sauvée par l'intervention d'un tiers, et cela en devient presque frustrant.
Cette suite semble vouloir faire prendre une nouvelle direction à l'histoire ; plutôt que de se concentrer sur les complots et les machinations du Conseil, les auteurs semblent souhaiter déconstruire les traditions, les remettre en cause pour créer un ordre nouveau, uni. C'est un choix scénaristique qui, personnellement, ne m'aurait pas dérangé, si on ne me l'avait pas introduit de toutes les manières précédemment citées.
Si je devais trouver un point positif à ce second tome, ce serait d'avoir rendu les personnages un peu plus "humains", là où dans le premier volume l'impassabilité Tsurani prenait systématiquement le dessus. le fait d'observer les évènements à travers d'autres yeux que ceux de Mara aide également dans cette entreprise.
J'ai tenu à aller au bout de l'ouvrage, mais celui-ci fut pour moi laborieux et décevant, au point qu'il m'aura pris un mois complet, ce qui est très long selon mes habitudes de lecture. Je ne suis pas sûre de lire le troisième et dernier tome, dont l'issue me paraît malheureusement déjà assez prévisible.
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