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Critique de ithaque


Petite plongée dans la famille pet-au-casque, à une cadence soutenue, et sans ménagement pour les petits coeurs sensibles. Ca marche très bien, surtout la première partie, car on veut à tout prix savoir :
-si les nerfs de Norma vont lâcher avant qu'elle n'aille jusqu'au bout de ses petites idées bien pourries de mère protectrice jusqu'à ce que folie furieuse s'ensuive ;
-si Hayley va sortir de sa captivité ;
- jusqu'où Tommy va aller dans le siphonné ultime.
De ce côté, on n'est pas déçu, les actions s'enchaînent au grand trot et le suspense fonctionne très bien, jusqu'au dernier tiers du livre du moins, où le récit se met à tourner un peu à vide, comme si l'auteur séchait sur la fin à donner (plutôt en eau de boudin je trouve).
Hormis ce côté suspense très réussi dans l'ensemble, j'ai trouvé la position de lecteur terriblement inconfortable : on se sent contraint à une position de voyeur car il n'est facile de s'identifier à aucun des personnages, qui sont tour à tour victimes et bourreaux. Même si chacun d'entre nous est peut-être un psychopathe en puissance, on n'est pas forcément prêt, là tout de suite maintenant, à défoncer un visage à coups de clubs de golf. Pas forcément.
Donc, restant un peu sur le bord de la route à voir les siphonnés se courir après, j'ai un peu peiné à faire le lien avec eux. Certes, en rentrant dans l'histoire de chacun, on comprend mieux pourquoi il a disjoncté. On ne peut pas dire que, dans leur cas, la résilience ait fonctionné à plein régime, désolée Boris.
On capte bien comment, à partir d'une dose éléphantesque de souffrance infantile, le cerveau se crée un univers parallèle, dont les personnages (maléfiques ou bénéfiques) vont progressivement devenir plus réels que tout le reste, et où l'ensemble de la réalité elle-même est boulottée et réinterprétée complètement d'après ce prisme.
Par exemple, à la fin, la façon dont Tommy projette intégralement son désir sur Tessa au point de lui attribuer ses propres envies est terrible. Comme s'il était condamné à ne jamais connaître la réciprocité du désir, à l'image de son enfance massacrée. de même, Norma projette ses désirs de gloire sur sa petite fille (conçue sciemment avec juste une petite aide séminale), dont l'existence n'a d'autre valeur que de les satisfaire. On pige mieux à quel point les projections des psychopathes sur les autres sont totalement faussées.
Autrement, le coup des flics qui loupent une voiture calcinée dans le garage et une tombe pré-creusée dans le jardin, c'est pas très sympa pour le potentiel de déduction des policiers américains. C'est la grosse décontraction apparemment là-bas.
J'ai trouvé que l'écriture n'était pas formidable, je me suis dit plusieurs fois : »Ben dis donc, pas terrible la traduction. Ah mais nooon, il écrit en français ! ah… »), une écriture un peu banale : un mot veut dire une chose. Oui, ça paraît normal, sauf que moi j'aime plutôt les bouquins où une phrase peut nous prendre par surprise à tout moment. Un peu comme une chanson de Bashung : un mot, et on a une giclée de 3 sens différents et leurs univers associés qui explosent dans la tête. C'est un peu pour ça que j'aime les livres en fait.

Pour résumer, j'ai bien aimé le suspense psychologique, la complexité des sentiments des protagonistes, la plongée dans des cerveaux particulièrement fêlés, mais au bout d'un moment, la dose est atteinte, et j'ai hâte de retrouver des personnages ( ou des vraies personnes, ça marche aussi, hé !) pour qui la réciprocité des désirs ou des sentiments évoque quelque chose. C'est peut-être bien ça la misère ultime : quand, enfant, on n'a pas reçu assez d'amour, et quand, plus tard, on ne peut partager ses désirs ou son amour. En tout cas, ça a l'air de rendre pas mal siphonné, Jérémy Fel m'en a fortement convaincue !
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