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Critique de Magdalae


Edith Lavery a 27 ans et ne cache pas ses ambitions de faire un beau mariage, loin de la femme moderne et carriériste des années 1990. Grâce au narrateur, elle va faire la connaissance du comte Charles Broughton, un des célibataires les plus convoités de l'aristocratie anglaise et elle va rapidement lui mettre la corde au cou malgré les réticences à peine voilés de la mère de Charles, lady Uckfield, de voir son fils héritier épouser une simple roturière. Loin de devenir uen Cendrillon moderne après avoir été la coqueluche des magazines à son mariage, Edith déchante vite: la vie de château à Broughton n'est pas aussi excitante que prévu, se lassant vite des parties de chasse, des réunions de comité et des thés de bienfaisance sous bonne garde de sa charmante belle-mère. Son quotidien ne lui offre aucune consolation, pas même Charles qui s'avère être un piètre amant, laissant l'ennui s'installer. Alors, quand le tournage d'une série s'installe à Broughton, l'arrivée des acteurs amène toutes sortes de tentations. Après avoir lutté pour arriver là où elle voulait, parmi les privilégiés, Edith va t-elle risquer de tout perdre ?

J'étais curieuse de lire ce roman de Julian Fellowes, le scénariste de Dowton Abbey et de Gosford Park, pour retrouver cet univers de la haute-société britannique qui semble le passionner (en en faisant lui-même partie par alliance) et pour juger de ses talents d'écriture autrement que sur petit-écran.

Sans être un roman de haute volée littéraire, Snobs est un roman de grande qualité notamment dans sa caractérisation des personnages et dans la représentation toute en nuance qu'il offre de la gentry anglaise. Je suis aussi passionnée que lui par ce milieu et son évolution à travers les siècles confrontée à la modernité, à la première guerre mondiale comme dans Dowton Abbey ou Parade's End mais je ne crois pas avoir lu ou vu avant Snobs une oeuvre sur la noblesse britannique qui se passe de nos jours ou plutôt dans les années 90. Snobs met non seulement cette société en perspective avec ses propres difficultés à tenir son rang face à la banqueroute de la plupart des familles nobles qui n'hésitent pas à vendre leurs demeures pour en faire des restaurants ou des gîtes huppés mais aussi avec la société anglaise en entier qui ne répond pas aux mêmes règles ni aux mêmes valeurs et où la réussite et les privilèges ne sont pas hérités à la naissance mais acquis en montant l'échelle sociale.
Pour mener à bien cette satire, il fallait au roman un bon point de vue et il est justement occupé par le narrateur dont on ne connait pas l'identité exacte mais qu'on peut facilement identifier à une sorte d'alter ego de Julian Fellowes. Ce narrateur est un personnage intermédiaire qui jongle entre la haute-société, les anciens d'Eton, le monde des clubs privés et des débutantes dans lequel il est né et le monde actuel en étant un acteur qui connait les milieux où le désir de réussite est roi. En étant à la fois à l'aise dans l'un et l'autre milieu, il échappe au snobisme de la haute-société délibérément ouverte aux seuls initiés mais aussi à l'envie et à la curiosité mal placée de ceux qui n'appartiennent pas à ce "club privé" de la noblesse mais qui meurent d'envie d'en faire partie, à n'importe quel prix.

Ce qui est dénoncé, c'est le décalage entre un monde où tout est gagné (du moins en apparence), où l'on vit dans la facilité, l'aisance en suivant les mêmes habitudes et en s'adonnant aux mêmes centres 'intérêts qu'à l'époque édouardienne, et un monde où tout est à gagner, où il faut fructifier ses talents et réussir pour devenir quelqu'un.

Le juste milieu, entre le pur snobisme et l'envie, c'est le personnage d'Edith qui l'incarne en passant par différents stades d'appréciation du milieu dans lequel elle apprend à vivre, plus ou moins difficilement. J'ai eu un peu de mal à m'identifier à elle ou même de comprendre ses choix tellement elle est aux antipodes à l'image que je me fais de la femme à son/notre époque : indépendante et s'offrant la réussite par son travail et non plus par le mariage. Edith n'est pas du tout dans cette optique et, d'une certaine manière, en avouant vouloir réussir par la voie la plus facile, elle est moins hypocrite que d'autres personnages. Ce n'est pas forcément un personnage antipathique mais juste plus déterminée qu'elle le croit par le rêve de faire partie de ce monde privilégié héritant des aspirations de sa mère qui partage l'envie d'autres personnages d'appartenir à la haute-société, c'est-à-dire de ne pas être exclu du cercle fermé.

A coté de la satire sociale, Snobs a une belle réflexion sur l'amour et sur le mariage non seulement entre classes sociales différentes mais tout simplement de la place de l'amour dans le mariage.

En plus du narrateur qui a un potentiel de sympathie assez grand, le personnage de la belle-mère d'Edith, lady Uckfield est peut-être la plus grande réussite de ce roman. Je suis surement parasitée par Downton Abbey en l'ayant tout de suite identifiée à la comtesse Dowager mais elle a une telle présence dans le roman que vous ne pourrez qu'aimer la détester. Vu la place assez grande du monde des acteurs dans Snobs, lady Uckfield est surement la plus grande des comédiennes en jouant à merveille son rôle de prêtresse d'une noblesse en perdition tout en respectant les règles élémentaires de politesse et d'hospitalité d'une parfaite maîtresse de maison, sans se gêner de mépriser les uns et les autres à sa guise sans être démasquée, sauf par le narrateur.

Lien : http://la-bouteille-a-la-mer..
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