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Critique de Daniel_Sandner


Retour de lecture sur “Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée”, une biographie de Christiane Felscherinow, écrite avec l'aide de deux journalistes, et publiée en Allemagne (de l'Ouest) en 1979 puis adaptée au cinéma deux ans plus tard. Un livre culte de mon adolescence, qui avait fait énormément de bruit à l'époque mais que je n'avais finalement jamais lu. Il raconte l'histoire vraie de cette jeune fille, Christiane, qui en 1976, pour échapper à une enfance très terne, avec des parents absents, violents, et dépassés par leur propre vie, plonge progressivement dans l'enfer de la drogue, et finit par se prostituer à 14 ans pour survivre et s'approvisionner en héroïne. Ce livre à sa sortie fut un véritable choc et un événement littéraire marquant, c'était une des premières fois qu'on parlait des méfaits de la drogue de manière aussi réaliste et crue. Il est ainsi devenu un best-seller dès sa sortie, numéro un des ventes, pour être même dans certaines écoles une lecture obligatoire. Il reste probablement encore maintenant, plus de 40 ans après sa sortie, l'un des meilleurs livres sur le sujet, et même si le contexte à changé, il reste tout à fait d'actualité sur de nombreux aspects. Ce n'est bien sûr pas une lecture très gaie, c'est même très noir, dur, glauque par moments, mais l'authenticité de ce témoignage en fait un livre très touchant qui se lit malgré tout assez facilement. le but est ici de montrer, au plus près, cet univers underground de la drogue, ses acteurs mais surtout ses mécanismes, comment la drogue annihile progressivement toute capacité de résistance, jusqu'à une dépendance et déchéance totale. Comme dans tous les témoignages sur le sujet, on retrouve chez Christiane et chez les autres drogués, ce fort sentiment de déni, qui consiste à penser qu'ils peuvent décrocher à tout moment, que leur dépendance n'est que partielle, ce qui est évidemment un leurre qui les fait plonger encore plus profondément. Ce livre est également l'histoire d'un autre combat, celui de sa mère qui a tout raté avec elle, n'était ni préparée, ni armée pour affronter cette situation et qui se retrouve seule avec une fille qu'elle ne comprend plus, dans une situation qui la dépasse totalement. Son témoignage apparaît aussi dans certains chapitres de ce livre. On commence d'abord par être sidéré par le peu d'espoir que ces parents donnent à leurs enfants, leur déni aussi quant à la situation de leur fille aînée, pour ensuite être touché par le désarroi de cette mère qui assiste, tout en devant supporter sa propre culpabilité, à l'autodestruction de sa fille. Cette relation mère-fille, avec cette drogue qui biaise tout, transforme la personnalité, est hallucinante et terrible. le livre montre bien que la drogue est bien sûr un enfer pour celui qui en consomme, l'isole complètement, mais c'est également un enfer pour les parents ainsi que pour tout l'entourage proche. Un aspect secondaire du livre mais néanmoins très intéressant, est son côté témoignage très authentique de la vie à Berlin-Ouest, le rendu de l'atmosphère de cette ville dans cette deuxième partie des années 70, la station du zoo, la vie dans le quartier populaire de Grospiusstadt, c'est le décors de la période berlinoise de David Bowie. C'est d'ailleurs après l'un de ses concerts que Christiane, déprimée par la chanson "Station to station" et son refrain "it's too late…", passe pour la première fois à l'héroïne. Toute cette histoire est racontée de manière particulièrement poignante. Ce témoignage est d'un réalisme à toute épreuve et on a vraiment l'impression de suivre pas à pas le parcours dramatique de cette fille dans cette spirale dégradante, de vivre ses émotions. C'est pour finir un magnifique livre sur un combat terrible que Christiane F n'a jamais vraiment gagné, une bouleversante leçon de vie et une lecture incontournable.

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"Je ne sais pas pourquoi je suis au monde. Avant non plus je ne le savais pas bien. Mais un fixer, pourquoi ça vit ? Pour se démolir et démolir les autres ? Je me dis, cet après-midi-là, qu'il vaudrait mieux que je meure, rien que par amour pour ma mère. de toute manière, je ne sais plus si j'existe ou non."
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