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Critique de Ileauxtresors


Certains auteurs ont une imagination foisonnante dont jaillissent des univers, des créatures, des péripéties qui nous laissent abasourdis. Avec Elena Ferrante, c'est un peu le contraire : si je suis tout aussi abasourdie, c'est par sa capacité à construire une intrigue captivante à partir de ce qui pourrait sembler presque rien, grâce à sa capacité à entrer au plus profond de la psychologie de ses personnages.

Dans les beaux quartiers de Naples, une jeune fille à l'aube de la puberté surprend une phrase de son père qui souligne sa ressemblance avec Vittoria, la tante si mauvaise, si hideuse que tous les ponts ont été rompus avec elle. Cette remarque déclenche chez la protagoniste un flot de pensées dévastatrices, lève brutalement un voile, vient fissurer le monde enchanté de son enfance en lui montrant à quel point il change lorsqu'on l'éclaire différemment. Avide de tirer cette affaire au clair, elle décide de se faire sa propre idée sur la tante honnie…

Il ne m'en a pas fallu plus pour m'accrocher irrésistiblement aux pages de ce roman que j'ai dévoré presque d'un trait. Évidemment, j'ai brûlé, comme la narratrice, de connaître Vittoria et de savoir ce que celle-ci nous révèlerait des parents de Giovanna – dont la duplicité est suggérée dès les toutes premières pages. Une rencontre avec une femme, un autre milieu social qui brouille son petit monde bien ordonné et provoque des réactions en chaîne. À moins que tout cela n'agisse que comme un révélateur de forces qui étaient déjà à l'oeuvre chez Giovanna et ses parents ? Au fil des pages, on se rend compte que le coeur de l'intrigue a moins trait à la part de mystère qui baigne les adultes qu'à l'âge de l'adolescence – sa fragilité, son ébullition, ses questionnements douloureux et exaltants, ses révélations sur la vie et l'amour. Et le poids des mots qui créent des faits dans un monde confus et face auxquels la jeune fille en construction qu'est Giovanna se sent vulnérable : « Je suis fatiguée d'être exposée aux mots des autres. J'ai besoin de savoir ce que je suis vraiment et quelle personne je peux devenir. »

Ce caractère mouvant de l'intrigue va de pair avec une fin très ouverte qui m'a un peu frustrée. Mais je dois bien reconnaître que Elena Ferrante nous avait prévenus dès la première page : « Tout est resté figé – les lieux de Naples, la lumière bleutée d'un mois de février glacial, ces mots. En revanche, moi je n'ai fait que glisser, et je glisse aujourd'hui encore à l'intérieur de ces lignes qui veulent me donner une histoire, alors qu'en réalité je ne suis rien, rien qui soit vraiment à moi, rien qui ait vraiment commencé ou vraiment abouti : je ne suis qu'un écheveau emmêlé dont personne ne sait, pas même celle qui écrit en ce moment, s'il contient le juste fil d'un récit, ou si tout n'est que douleur confuse, sans rédemption possible. »

Un roman fort qui vit, de nouveau, de ces portraits de femmes si vivants qu'ils continuent à nous hanter une fois le livre refermé.
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