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Critique de latina


« Il y a tant de façons de se montrer obscène »….
Et ici, Jérôme Ferrari en démonte – en démontre – deux, particulièrement : l'angélisme de la religion catholique et la photographie de guerre.

Nous voici donc directement au coeur du problème.
Antonia est une jeune photographe de presse corse, du moins elle a été photographe de presse, jusqu'à se rendre compte qu'être témoin d'atrocités et fixer celles-ci sur la pellicule est obscène.
Oui, se rendre compte qu'il y aura des lecteurs de journaux qui jetteront un regard horrifié vite détourné, vite « oublieux », sur les photos-témoins, sur les femmes éventrées, sur les enfants au ventre gonflé, sur les mourants, sur les pendus, sur les torturés aux yeux cousus, se rendre compte de cela et continuer à photographier, c'est obscène. « Ce désastre, elle ne veut pas le dupliquer ».
Or, ne rien comprendre, ne pas agir, ne pas réagir, Antonia ne peut non plus choisir cette option. « Ca aussi, c'est le péché ».
Antonia est divisée, tourmentée, tracassée par sa vocation et par les conséquences qu'elle entraine inévitablement.

Antonia a un parrain, un curé, qui essaie de parler avec elle, de la protéger en quelque sorte. Nous pénétrons dans sa conscience également, lui qui est divisé devant ce mal, devant le mal quotidien aussi. Que faire ? Comment réagir ? Trouver une réponse en parlant de Dieu ? Jésus aussi a pleuré devant sa propre mort, pourtant.
« L'insupportable angélisme : une forme particulièrement perverse d'assentiment donné à l'obscénité du monde »

Antonia est Corse. Elle assiste donc aux actions du FLNC, mouvement armé pour l'autonomie. Au départ des gamins, et puis doucement – enfin, c'est un euphémisme- qui bascule dans la violence extrême. Antonia ne peut que réagir, encore une fois, et se demander où va sombrer son île, où « on applaudit les revendications d'assassinats ». Encore une obscénité.

Ce roman fait de phrases immenses quasi sans ponctuation m'a littéralement subjuguée. Je me suis sentie portée, et presque sans m'en rendre compte, je réfléchissais.
Au monde perpétuellement en guerre, au regard satisfait des tueurs, aux pleurs des mères, aux prières… et aux témoins de tout cela, les photographes.
« Il n'y avait au fond que deux catégories de photos professionnelles, celles qui n'auraient pas dû exister, et celles qui méritaient de disparaitre, si bien que l'existence de la photographie était évidemment injustifiable. »

Photographier le monde, ou accepter ce monde, quel est le plus obscène ?
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