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Critique de ecceom


Des Pictes et des creux

Chacun a son opinion sur Astérix et ses albums préférés, mais d'avis quasi unanime, le précédent album "Le Ciel lui est tombé sur la tête", semblait sonner la fin des aventures de nos 2 héros, tant il était d'une faiblesse insigne. Même le dessin présentait des aspects étonnants (un Astérix un peu trop allongé par exemple, curieusement repris ici sur la couverture).

Il était donc temps de réagir.
C'est aujourd'hui chose faite avec le passage de relais entre le dernier acteur du génial duo Goscinny/Uderzo et un tandem plein de promesses : Jean-Yves Ferri et Didier Conrad.

En introduction de l'album, on a droit à un mot d'Uderzo qui présente les nouveaux auteurs (normal). Anne Goscinny intervient également, ce que je trouve artistiquement parlant, nettement moins pertinent.

Passons sur ce détail pour examiner ce nouvel album.

Selon que l'on prenne pour références la période "bénie" ou celle qui a suivie, plus chaotique, on peut trouver son compte ou pas. Est-ce le début d'une nouvelle époque pour la série et il faut se montrer indulgent, ou un coup pour rien ?

Pour ce qui me concerne, c'est une réelle déception.

Je dois dire que la présence de Ferri est la raison pour laquelle j'ai acheté cet album dès sa sortie alors que je n'achetais plus Asterix depuis plusieurs années, me contentant de le lire à droite, à gauche.

Mais là, j'ai trouvé que ni l'histoire, ni les dialogues n'étaient à la hauteur.

Mais où est passé le Jean-Yves Ferri de "De Gaulle à la plage" et du "retour à la terre" ? le scénario qu'il a concocté ici, est un laborieux collage de plusieurs histoires. C'est bancal, l'histoire de Ferri boite.

J'ai eu l'impression qu'il se contentait de reprendre le cahier des charges, en pointant les éléments :
- un étranger arrive dans le village Gaulois : fait (avec options "trahison par les siens" et "sa fiancée l'attend") ;
- les 2 Gaulois raccompagnent l'étranger chez lui : fait ;
- la découverte de la culture Picte : fait (avec option "découverte de la boisson locale") ;
- la réconciliation des clans ennemis pour taper ensemble sur les Romains : fait ;
- etc.

Le problème est que Ferri donne l'impression d'accumuler, mais sans développer comme s'il avait eu peur d'aller trop loin (une curiosité quand même : l'album contient une allusion au droit d'asile et à un envahissement du pays par les étrangers qui viennent de la mer, concession directe à l'actualité)...

Le récit souffre d'absence de rythme et donne le sentiment d'avoir été bâclé passés les 2/3. le thème de l'Ecosse est survolé de même que ses paysages. le thème des Pictes n'est pas traité au gramme, mais au kilo (et le poids, chez les Ecossais...)
C'est un scénario prêt à monter, livré en kilt. du "à la manière de".

Les personnages traditionnels sont là, mais, il y a de terribles "impasses". Chez les Pirates, l'Africain et le vieillard sont en dessous de tout (mais où sont passées les maximes et autres réflexions philosophiques de nos naufragés préférés ?). Et que dire d'Obélix qui, au moment de prendre la mer, ne cherche même pas à amener Idefix avec lui...
O tempo'a, O Mo'es !
Le "gentil" et le "méchant" sont sans relief, le fonctionnaire obtus venu recenser le village Gaulois, est insipide et tombe comme un cheveu dans la cervoise...

Les dialogues sont aussi très loin de ce que j'attendais.
Il est sans doute impossible d'égaler le talent de Goscinny, mais là, on ne s'en approche même pas.
Les clins d'oeil, détournements de clichés et de langage, les calembours, jeux de mots qui ont fait la grandeur d'Astérix…tombent pratiquement tous à plat. Exemples parmi d'autres : quand le guerrier Picte perd sa voix, Obelix comprend qu'il est Taphone ! Quand on cherche à identifier le mystérieux guerrier en observant ses tatouages, Obélix suggère : "un Décalcomanien peut-être" ?
Vous voyez le niveau. On est bien loin d'"il ne faut jamais parler sèchement à un Numide"...Si c'était pour faire de mauvais calembours, ils auraient pu tout aussi bien m'embaucher.

Tout l'album est à l'unisson. le Loch s'appelle Loch Anloll et sa créature (terriblement "mal dessinée"), l'énorme Afnor. On y croise un Mac Keul, prétexte à un "Quoi Mac Keul, qu'est ce qu'il a Mac Keul" ...Les noms fantaisistes des dieux Pictes (Buz !) sont à des années lumière des trouvailles de Goscinny et son "Amora déesse de la moutarde".
Quant aux borborygmes de l'aphone, ils sont ridicules et désolants.

Bref, pour ce qui me concerne, le scénario est très loin des sommets de la série et je l'ai lu sans y prendre de plaisir. Je me demande même finalement, si Ferri était un bon choix. Il excelle dans le strip, est formidable sur 3 cases ou une page, mais n'est visiblement pas à l'aise avec le rythme d'un album.

Reste le dessin de Conrad.

Certes, il est légèrement différent de celui qu'on avait l'habitude de voir, mais loin d'être désagréable en dépit de quelques loupés. le trait est plus fin et les contours peut être trop nets, d'où un certain manque de dynamisme par rapport au dessin d'Uderzo. Certaines cases semblent parfois trop fouillées ce qui les rend du coup moins lisibles.
Mais dans le naufrage que constitue cet album, Conrad est le seul à surnager. Quand on sait le peu de temps dont il a disposé, c'est plutôt encourageant et un petit exploit.

Au final, un album bien décevant, qui m'a semblé pire que mauvais : inutile. Mais chacun se fera son opinion. En attendant, je ne le conseille pas.
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