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Critique de Phinette


Jamais auberge aux abords du château De Caylus n'aura accueilli tant de fines lames : dix-huit d'entre elles sont louées par un prince et son serviteur pour tendre une embuscade au duc de Nevers, la vingt-et-unième appartient au chevalier de Lagardère. Lui veut apprendre la botte dudit Nevers, un infaillible et mortel enchaînement à l'épée, secret du duc, qui se termine invariablement l'adversaire terrassé d'un dernier coup fatal entre les deux yeux. Apprenant les plans de la funeste troupe, Lagardère va au-devant du malheureux duc, apprend la fameuse botte et défend son ami d'une heure contre les spadassins. Quand Nevers est tué d'un traître coup dans le dos, Lagardère marque la main de l'assassin avec son épée, jure de venger son ami et emmène la fille de celui-ci, fruit d'un mariage clandestin avec Aurore de Caylus.

"Lagardère, en haut des degrés, montrant son beau visage en pleine lumière, leva l'enfant qui, à sa vue, s'était prise à sourire.
- Oui, s'écria-t-il, voici la fille de Nevers ! Viens donc la chercher derrière mon épée, assassin ! toi qui as commandé le meurtre, toi qui l'as achevé lâchement par-derrière ! Qui que tu sois, ta main gardera ma marque. Je te reconnaîtrai. Et quand il sera temps, si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi !"

Du Bossu, j'adore tout !
Tout d'abord la forme. le roman a été publié dans la revue le Siècle sous forme de feuilleton. Chaque chapitre existe en lui-même et presque indépendamment des autres. Féval maîtrise ses chutes avec brio, tenant le lecteur en haleine. Les rebondissements et les coups de théâtre sont nombreux et maîtrisés. Chaque rebondissement est calculé, chaque détail est bien amené et sera réutilisé par la suite. La trame est cohérente, aucun personnage ne ressuscite, presque aucun événement n'est invraisemblable…
Et puis c'est un beau roman historique : écrit au milieu du XIXe siècle, l'action se passe en 1699 et 1717. Des personnages historiques permettent de raccrocher la fiction à la réalité, par exemple le régent Philippe d'Orléans ou John Law (« véritable précurseur de la banque contemporaine » grâce, selon Féval, à l'invention des agios !). Avec ce dernier, c'est aussi tout le monde de la finance et de la spéculation qui est décrit puis fustigé. le mécanisme des actions, les fortunes qui se font et se défont à grands coups de rumeurs, fondées ou pas, le mirage du Mississippi sont autant de sujets brûlants qui déchaînent les passions. "Veuillez réfléchir : un louis vaut francs aujourd'hui; demain, il vaudra encore francs, tandis qu'une petite-fille de mille livres, qui ce matin ne vaut que cent pistoles, peut valoir deux mille écus demain soir. A bas la monnaie, lourde, vieille, immobile ! Vive le papier, léger comme l'air, le papier précieux, le papier magique, qui accomplit au fond même des portefeuilles je ne sais quel travail d'alchimiste ! Une statue à ce bon M. Law, une statue haute comme le colosse de Rhodes !"
En bref, j'ai adoré me mettre à la place d'un contemporain de l'auteur qui trépignerait en attendant chaque semaine de recevoir ses 15 pages d'aventure du Grand Siècle !

Seul regret : les personnages ont un unique trait de caractère et s'y tiennent. Ainsi, malgré l'abondance de rebondissements et de perturbations, leurs réactions sont prévisibles du début de l'histoire dans les fossés De Caylus à la fin 18 ans plus tard. Il faut aussi reconnaître à Féval le talent de faire accepter à son lecteur un héros qui, certes pour la bonne cause mais tout de même, a à la fin du livre une vingtaine de morts à son actif…
Lien : http://leclubdesnatifsduprem..
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