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Critique de afriqueah


Inutile de raconter l'histoire de Gatsby le Magnifique, tout le monde la connaît.
Ma lecture, particulière, la voici:

! -Les objets inanimés agissent comme des humains , qui, eux, ont perdu leur statut d'humains. (Ils sont riches, et leur puissance fortunée s'est comme transférée dans leurs objets. L'argent déshumanise les humains.) La pelouse se précipite contre la maison de Daisy, comme emportée par son élan et semble vouloir envahir la pièce. le vent joue avec les voilages, jusqu'au plafond « glacé de sucre blanc comme un gâteau de mariage. » Les plateaux de cocktails se faufilent et naviguent à travers la foule des invités, qui, eux, voltigent comme des phalènes à travers ses jardins enchantés. Les femmes sont comme de petites chiennes familières, ou, si elles sont belles, et elles le sont, des roses ou des orchidées.

2 - Les fleurs semblent ne jamais se faner dans ce monde de riches que décrit sans illusion Scott Fitzgerald. Perles, robes du soir et champagne. Il y aura bien, à la fin du livre, des orchidées mourantes. C'est que « dans le crépuscule qui nous apportait un peu de fraicheur, nous avons roulé vers la mort ».

3- la lumière : celle, rose suspendue au coeur de la maison de Tom et Daisy, et qui change sans cesse,( c'était un espoir fou pour Gatsby après 5 années passées sans elle,) s'oppose à la clarté irréelle , artificielle et incendiaire de sa propre maison.
La lumière verte du terrain de Daisy, entrevue de derrière les rideaux de Gatsby ,lui paraît vitale comme une pierre précieuse. Mais lorsqu'il en parle à Daisy, il dévoile tellement sa passion qu'il en entrevoit la fin. Jusqu'à cet aveu, la distance entre elle et lui était si grande, qu'en parlant de la lumière verte, c'est comme si il l'éteignait. Elle s'éteindra d'ailleurs brutalement et il n'apercevra que des feuillages devenus hostiles. La dernière phrase du livre évoque la petite lumière verte en laquelle Gatsby a mis ses rêves, « en cet avenir orgastique qui chaque année recule devant nous ».

4- La voix de Daisy : cette ravissante idiote, frivole et sans coeur, enchante les hommes par sa voix sombre, envoutante, dont elle baisse l'intonation pour que l'on se penche vers elle pour l'écouter.
Lorsqu'elle retrouve Gatsby alors qu'elle s'est mariée à un plus fortuné, sa voix devient « aussi neutre que possible ».
Lorsqu'elle trône dans sa propre maison, sa voix devient impudique, arrogante, pleine d'argent. Charmante idole lointaine, inatteignable, partagée entre les bijoux et le champagne.

5- Les rêves. Ce sont des ennemis qui nous emprisonnent, nous présentant une lumière qui nous aveugle plus qu'elle ne nous éclaire. Ce rêve est un fantasme, une chimère, et l'objet aimé n'est pas vu dans sa réalité, Daisy est inférieure à l'invention que Gatsby en a fait. Et d'ailleurs, dans la réalité elle montrera son irresponsabilité : elle et son mari « cassaient les objets, ils cassaient les humains, puis ils s'abritaient derrière leur argent, ou leur extrême insouciance…. Et laissaient à d'autres le soin de nettoyer et de balayer les débris ».
Le rêve meurt en continuant à se débattre, Gatsby le corrompu poursuit quand même son incorruptible rêve .

Paradoxe, et c'est là tout le génie de Scott Fitzgerald, la colossale vigueur de l'aptitude à rêver de Gatsby va éblouir le locuteur Nick. : le passionner et l'aveugler. Il est grand celui qui invente et croit en ses rêves. « ni le feu ni la glace ne sauraient atteindre en intensité ce qu'enferme un homme dans les illusions de son coeur. ». La dernière page est un hymne à ceux qui savent réinventer le monde.

Enfin, et surtout, une écriture somptueuse, lyrique, parfois cynique lorsqu'il parle de l'hystérie dont certaines femmes « entourent une faveur qu'en son parfait égocentrisme il (Gatsby) estimait lui être due. », ou les ragots véhiculés sur lui par ceux qui jouent les experts sous prétexte d'accepter son hospitalité.

Et puis les thèmes chers à Scott Fitzgerald qui est bien « l'un de ces garçons qui atteignent, à vingt et un ans, un tel niveau de réussite que tout ce qu'ils font par la suite a un arrière goût d'échec. ».
Essayer de devenir immensément riche ne fait qu'attiser des soupçons sur la provenance de cette fortune. Seul Tom, lourdaud, alcoolique, raciste a hérité, donc il séduit non seulement Daisy mais aussi les autres avec qui il la trompe.

Le passé ne se rattrape guère. La fortune, non plus.
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