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Critique de Fandol


Fandol
07 septembre 2021
Après avoir lu Tenir jusqu'à l'aube qui plongeait dans la dure réalité affrontée par une femme seule devant élever son enfant, je retrouve Carole Fives dans Térébenthine.
Ici, il s'agit d'une autofiction, pas vraiment un roman comme indiqué par l'éditeur sur la couverture.
Tout commence avec un article de Beaux-Arts magazine de 2019 saluant avec enthousiasme le retour en grâce de la peinture et mettant en exergue un jeune peintre, Luc Chancy, disparu, hélas…
C'est alors le moment de revenir en arrière, au début des années 2000 où la narratrice, à dix-sept ans, passe le concours d'entrée à l'École des Beaux-Arts de Lille.
Débute alors un parcours difficile, compliqué, semé d'embûches, d'incompréhension, de mépris et de solitude pour cette fille qui rêve d'exprimer son talent pour la peinture.
Reléguée dans les caves de l'école, avec ceux qui veulent peindre, dont ses deux meilleurs amis, Lucie et Luc, elle subit les moqueries des autres camarades qui s'épanouissent dans des oeuvres plus en vogue à l'époque. Ils surnomment les peintres « Térébenthine » à cause de leur puanteur causée par l'odeur du solvant, plutôt du white-spirit, odeur qui ne les quitte guère. Il faut bien nettoyer pinceaux, palettes et tout le matériel !
En 2003, elle séjourne même à New York, avec Lucie et Luc, pour visiter le MoMA (Museum of Modern Art) où les oeuvres de Pablo Picasso, Henri Matisse, Jackson Pollock, Robert Motherwell, Barnett Newman et Mark Rothko tiennent la vedette. Par manque d'argent, ils ne peuvent guère profiter de la ville.
À l'école des beaux-arts, pas de prof de peinture. Elle doit suivre des cours de dessin, le soir, dans les ateliers municipaux.
Alors que les femmes artistes sont vraiment marginalisées, c'est l'une d'elles, sa référente, qui la démolit au lieu de l'aider à préparer l'examen de passage en deuxième année.
Avec Lucie, en fin d'année, elles réalisent chacune une oeuvre très sexuelle avec des poupées gonflables puisqu'il faut étonner, surprendre les profs. Hélas, son propre père ne supporte pas, se dit choqué et s'en va…
Ainsi, seconde et troisième année vont suivre et j'ai beaucoup apprécié les interventions des élèves pour mettre en valeur les artistes femmes, forçant même Urius, professeur d'histoire de l'art, à leur céder du temps sur ses cours pour qu'elles présentent Niky de Saint Phalle, Shigeko Kubota, Yoko Ono, Cindy Sherman, Gina Pane, Orlan (Mireille Porte), Annette Messager, Miss. Tic ou encore Marlène Dumas.
En attendant, il faut créer, peindre, recommencer, douter, chercher, subir l'indifférence, le mépris pour aller au bout de la troisième année. Peu satisfaite de ses résultats picturaux, la narratrice s'oriente vers le texte, les mots qu'elle met en scène, phrases qu'elle agence et qui sont la matrice de ce livre que je lis avec beaucoup d'intérêt.
L'après beaux-arts est sûrement le plus difficile pour ces jeunes artistes qui n'arrivent pas à se faire admettre dans les galeries et doivent assumer des petits boulots pour pouvoir manger, payer leur loyer. Certains, comme Lucie, se tournent vers l'enseignement. Luc persévère, offre un très intéressant entretien sur Radio Nova mais n'est finalement pas heureux alors que la narratrice écrit tout en refusant le roman classique.
Térébenthine, son parcours de vie, m'a permis une ouverture passionnante et fort instructive sur un milieu que je ne connais guère. Carole Fives a bien fait de partager son expérience tout en exprimant une fois de plus son talent littéraire vivant, varié et émouvant jusqu'au bout.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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