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Critique de Plumefil


L'anatomiste est un roman peu commun, difficile à classer dans une case préformée.

Historique ... parce qu'il est basé sur des circonstances réelles, les dissections de cadavres pour établir l'anatomie du corps humain mal connue au 16ème siècle.

Aventure ... parce que le personnage principal, Blaise, mal-aimé, exploité, méprisé n'a de cesse de vouloir s'extirper de sa condition miséreuse pour poursuivre son rêve.

Amour ... parce que, malgré les conditions de vie exécrables, deux êtres abîmés par la vie vont découvrir un attachement inattendu et sincère l'un pour l'autre.

Après avoir découvert le traité anatomique "De humani corporis fabrica" de André Vesale lors de recherches étayant sa thèse en Histoire, Maryline Fortin a été frappée par la précision et la beauté des illustrations anatomiques provenant d'un artiste anonyme. Elle s'est imaginé la vie de ce dessinateur le plaçant dans les bas-fonds d'un Paris crasseux et insécure.

Les personnages peuplant les pages de ce roman sont loin d'être lisses et caricaturaux bien que l'on ait aucun doute sur l'identité des "bons" et des "méchants". Blaise est un dessinateur qui ignore l'étendue de son talent. Les épreuves, vécues depuis sa petite enfance, l'ont rendu méfiant et pour se protéger il s'est enfermé dans un mutisme obstiné. Mais c'est une âme pure, bouleversé par la beauté que la nature offre à ses yeux admiratifs.

Ce n'est pas un coup de coeur mais une découverte surprenante que ce roman inventif qui célèbre le mariage de l'art, la science et la médecine. le style de l'auteure très narratif nous embarque dans les ruelles sombres et tortueuses du quartier des Halles, au Cimetière des Innocents, lieu de sépulture propice à la "chasse aux cadavres", ainsi qu'aux séances d'anatomie publiques, dissections de l'époque. Avec une précision saisissante, rien ne nous est épargné; ni les odeurs nauséabondes et putrides; ni les couleurs sanguinolentes et verdâtres. du cagibi où se déroulent les séances illicites au sordide taudis de la prêteuse sur gages, le réalisme est remarquable.

Et pourtant, le plus grand frisson est provoqué par l'amour pur et cristallin de deux loqueteux, issus de la fange, Blaise et Marie-Ursule, une prostituée poussée dans les bras de clients dès son jeune âge par sa mère adoptive afin d'améliorer l'ordinaire!

Maryline Fortin réussit à maintenir son lecteur attentif malgré la parcimonie de dialogues, la répétition des présentations d'écorchés ... etc. Combien de possibilités un prétendu crétin scribouilleur et déterreur de macchabées dans des charniers avait de tisser un lien sincère avec une catin de la fange qui ne connaît que le commerce vicié de son corps? Pourtant l'alchimie entre ces deux êtres totalement différents va fonctionner. Leur relation subtile et élégante va leur servir de pilier solide pour satisfaire leur besoin de s'enraciner de façon honorable dans la société.

Pendant toute la lecture du roman, La Renaissance résonne à l'écho de nos livres d'Histoire avec François 1er, ses châteaux, sa cour; période noble, riche en découvertes avec son nouveau mode de vie, ses ors et ses multiples découvertes en art et en sciences, où plane l'esprit du célébrissime Léonard de Vinci. Ce récit met en avant, les oubliés de l'Histoire, les gens du peuple vivant dans le dénuement le plus total dans les bas-fonds de la capitale et d'ailleurs, acculés aux besognes peu ragoûtantes pour survivre. Pages après pages, on voit la société qui, petit à petit, émerge de la noirceur médiévale.

En achevant la lecture, il m'a été difficile de démêler l'écheveau des émotions suscitées par cette aventure si singulière, peu commune et certainement inoubliable. Avec du recul, j'arriverai probablement à être plus critique mais ce roman sera un de ceux dont je me souviendrai longtemps, c'est certain!
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