J'ai terminé ce roman hier soir, et j'ai décidé de m'accorder une nuit avant de rédiger cette critique.
Quelques heures nécessaires à mon esprit pour s'imprégner de cette histoire et la commenter avec recul.
Car j'étais bien incapable, après avoir lu la dernière phrase, en refermant ce livre, d'argumenter de manière constructive tant j'étais secoué.
L'anatomiste n'est pas du tout un roman à suspens. Ici, pas de meurtres sanglants, pas d'enquête, pas d'indices qui pleuvent à chaque chapitre et abreuvent le lecteur impatient de découvrir la vérité.
Pas d'ambigüité non plus au niveau des personnages. On sait qui sont les bons et qui sont les méchants, avec cependant des nuances parsemées dans le caractère des protagonistes. Ils sont loin d'être lisses et caricaturaux.
Difficile pour moi de donner un style précis à ce roman. Etant à la fois un récit historique, d'aventure et d'amour,
L'anatomiste est aussi la reproduction fidèle et documentée de la façon dont vivait les gens, riches ou miséreux, au temps de la Renaissance, période dont on garde souvent une image noble (grâce aux découvertes scientifiques et aux créations artistiques notamment), mais dont on oublie les petites gens.
Marilyne Fortin a construit son oeuvre autour de faits réels et surtout autour du traité anatomique " de humani corporis fabrica ", qu'elle a découvert durant ses études universitaires, et dont l'auteur des illustrations demeure anonyme.
Elle a donc imaginé le parcours qu'aurait pu avoir cet artiste.
Marilyne Fortin lui a donné vie, âme et corps par le personnage de Blaise, enfant misérable vendu par ses parents à un peintre qui le formera à son art, puis exploité par un chirurgien sans scrupule.
Blaise est un jeune garçon abîmé par la vie, dont le premier malheur est d'être né pauvre. Mal-aimé, exploité, méprisé… Mais plutôt que de s'effondrer face aux épreuves, il se renforce.
Il se renferme dans son mutisme que l'on prend pour de la crétinerie, il apaise ses tourments par la contemplation de choses douces et simples de la vie, il fait de son talent pour le dessin un outil précieux à qu'il doit préserver, convaincu qu'il n'a pas d'autre talent que celui-là…
Blaise est un personnage totalement atypique et attachant, chargé d'émotions, pas seulement négatives. C'est un personnage à qui l'on refuse l'amour mais qui aime mieux que les autres. Parce qu'il est pur, il aime d'un amour véritable, cristallin.
Il aimera Marie-Ursule, cette jeune femme que la vie n'a pas épargnée non plus.
Prostituée par obligation dès l'âge de 12 ans, elle ne connaît de l'amour que l'aspect vicié, charnel et sans sentiments. Habituée à ce qu'on l'on convoite son corps comme un produit destiné à satisfaire une envie impérieuse, elle trouvera dans le regard de Blaise la pureté et l'innocence qu'elle n'a jamais vu dans aucun regard.
Au travers des autres critiques, je m'aperçois que c'est davantage l'aspect historique qui est loué dans l'oeuvre de
Marilyne Fortin. S'il est vrai que le fond documentaire est solide, que le mélange entre l'art, la science et la médecine est très habile, ce n'est pas ce qui m'a le plus charmé.
Les séances de dissection anatomique, bien que décrites efficacement, sont parfois répétitives.
Le roman manque un peu d'action. Je reconnais avoir trouvé un début d'ennui, passée la moitié du livre, l'histoire commençant à stagner. Heureusement, les événements viennent relancer l'intrigue à point nommé.
Le style de l'auteure est très narratif. Les chapitres sont longs, il y a très peu de dialogues, beaucoup de descriptions.
Il est probable que cela m'a aidé à me plonger dans l'univers que
Marilyne Fortin a choisi, mais cela engendre aussi une forme de ronronnement intempestif. Rien qui ne puisse, heureusement, complètement ternir la qualité artistique du livre.
L'aspect historique et le cadre de vie des nécessiteux dans ce contexte sont donc très bien relatés, mais c'est surtout la relation de Blaise et Marie-Ursule qui m'a envouté.
C'est avec subtilité et élégance que leurs sentiments prennent vie. J'ai eu la sensation que tout le reste n'avait été imaginé que pour servir l'intrigue amoureuse des deux personnages.
Plus j'avançais dans l'histoire et plus j'étais touché par l'émotion, jusqu'à être littéralement pris aux tripes dans les dernières pages du récit.
Hier soir, j'avais un noeud dans le ventre et une boule dans la gorge en achevant ma lecture. Il m'a fallu sortir prendre l'air et marcher un peu pour dégager le trop plein d'émotions.
Paradoxalement, je ne peux pas dire que le livre est un réel coup de coeur. Si l'ensemble du livre est d'une qualité indéniablement excellente, ce n'est que vers la fin que j'ai totalement été submergé…
Cependant mon avis peut toujours changer avec le recul.
Quoiqu'il en soit, je ne regrette pas d'avoir choisi de lire ce livre d'une auteure trop méconnue.