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Critique de Acerola13


J'avais ce livre en tête depuis sa sortie, et j'ai été ravie de profiter de l'édition poche de folio.

Dans cet essai tranchant, Stéphane Foucart pose le postulat selon lequel l'économie de marché serait l'équivalent d'une nouvelle religion, aux nombreux adeptes dans le monde : tout son ouvrage se rapporte donc à cette assertion au travers d'une argumentation séquencée par chapitre (aux titres un peu hasardeux).

Sujet curieux donc, provocateur, et que l'on se réjouit de découvrir...Mais il faut pour cela dépasser les deux premiers chapitres, totalement fumeux, où l'auteur accumule drôles de démonstrations et comparaisons tirées par les cheveux : que des archéologues de l'an 4000 puissent penser que la Bourse de Paris, de par son architecture, fut un temple, pourquoi pas ; qu'ils puissent prendre les bulletins économiques commentant les hausses et baisses du CAC40 pour des textes sacrés, c'est ne pas rendre justice à cette discipline...Je passe également sur les exemples loufoques se rapportant à la religion romaine. Une grosse déception donc pour cette première partie !
Heureusement, l'argumentation se raffermit, et l'auteur égrène (enfin) des faits percutants : la notion de "croire" au marché et d'en affirmer sa perfection malgré ses aberrations, l'existence d'une sorte de clergé, seul capable de dialoguer avec la divinité et de la comprendre (comprenez ici les analystes économiques et autres boursicoteurs)...Stéphane Foucart fait donc de l'économie de marché la religion "agorathéiste", et s'attarde sur des sujets plus actuels : la sacralité que l'on donne au PIB comme mesure du bonheur d'une nation (alors qu'il est très loin d'être corrélé au niveau de santé d'une population, comme le précise l'auteur en reprenant l'exemple des Etats-Unis) ; l'observation et la confiance fiévreuses du marché qui dictent bon nombre de politiques (encore une fois l'exemple des Etats-Unis avec une proposition sur le système carcéral, ou leur plan de reconstruction de l'Irak)...

L'auteur s'attarde ensuite sur un sujet qu'il affectionne, à savoir le détournement d'études scientifiques : il donne un exemple particulièrement marquant sur la théorie de "la main invisible du marché" d'Adam Smith, revisitée dans les années 1940...On en apprend également plus sur le rapport Meadow publié par le club de Rome, qui fut littéralement voué au diable : on reconnaît ici un penchant classique du religieux qui veut faire d'intellectuels rationnels des dangereux hérétiques menaçant l'ordre du monde (combien d'autres ont subi depuis ce refus total du questionnement du marché divinisé ?).

Enfin, Stéphane Foucart nous régale d'une anecdote édifiante : celle de la création du Prix Nobel d'économie par la Banque de Suède, parachevant le camouflage d'une religion en science honorable. Les deux tiers de ces prix furent d'ailleurs décernés à des économistes de l'école de Chicago (dont on connait les ravages en Amérique du Sud).

L'auteur clôture magistralement en soulignant que les hommes paraissent incapables de vivre sans religions, et que ces dernières se succèdent...la dernière en date, aux partisans sans cesse plus nombreux, pourrait bien être celle de l'écologie...

Comme c'est bien conclus ! Une fin plutôt réussie, malgré un faux départ qui se prolonge sur les premiers chapitres...Ce bouquin est donc bien mal équilibré, mais recèle de propos et anecdotes intéressantes, utiles d'ailleurs pour raffermir sa culture gé économique (et s'initier tant bien que mal au culte décrié !).
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