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Critique de gerardmuller


Margot la ravaudeuse /Louis Charles Fougeret de Monbron (1706-1760)
Margot est elle-même la narratrice de ses aventures qui commencent lors de sa treizième année quand sa mère la met au tonneau qui lui sert d'atelier en pleine rue pour la remplacer à la tâche de ravaudeuse et repriseuse. En peu de temps elle devient la perle des ravaudeuses du quartier d'une part grâce à son talent et d'autre part grâce à la physionomie plaisante et charmante dont la nature l'a gratifiée.
Elle découvre peu à peu qu'elle a hérité de sa parentèle un certain penchant pour les plaisirs libidineux et les douceurs de la copulation. Et pour cause ! Habitant avec sa mère et son père une pièce unique qui sert de cuisine et de chambre, c'est dans un lit unique que les trois membres de la famille se retrouvent pour le repos nocturne. Les actions amoureuses de ses parents la croyant endormie lui mettent le feu au corps et elle recourt alors à la « récréation des solitaires en espérant n'avoir point de crampes au bout des doigts, se pâmant de rage, d'amour et de désirs. »
Tourmentée par l'aiguillon de la chair elle songe sérieusement à faire le choix de quelque bon ami qui puisse éteindre ou du moins apaiser la soif qui la dévore. Elle jette son dévolu sur un jeune et robuste palefrenier. Il se nomme Pierrot et la liaison est vite scellée au sceau de Cythère dans un cabaret borgne du quartier. Margot sait déjà que les mets les plus grossiers, assaisonnés par l'amour, sont toujours délicieux. Après de frustes agapes, c'est contre un mur dérobé que la conclusion intervient. Pierrot est un garçon charmant mais joueur et ivrogne et il a vite fait de dilapider le fonds de boutique de Margot qui le congédie illico après qu'elle a reçu une râclée par sa mère.
Margot pleine d'affliction quitte alors la chambre familiale et au hasard des jardins publics fait la rencontre d'une femme, Florence, qui la prend sous son aile, la nourrit et lui explique qu'elle veut l'associer à un négoce très lucratif. Une période de formation est nécessaire mais très vite, Margot se révèle être une très bonne « négociatrice ». Cependant après moult excoriations dues aux risques du métier quand elle est aux mains d'un sinistre maltôtier puis d'une escouade de mousquetaires, Margot fuyant au bout de quatre mois tous ces faquins méprisables sacrifiant abusivement au nourrisson de Silène, décide de se mettre à son compte pour rendre hommage exclusivement à Vénus.
Après quelques mois Margot trouve un nouvel emploi : servir de modèle pour les peintres. Elle fait alors la connaissance de Marguerite, modèle également. Alors va commencer une nouvelle vie pour Margot, acoquinée bientôt d'abord avec un mousquetaire, puis un perruquier et un mitron aux larges épaules, avant de tomber dans les bras d'un chanoine, un maître paillard et mangeur de potage à l'eau bénite qui eut vite fait d'introduire Margot dans sa couche canoniale. C'est ensuite chez l'ex gouvernante du chanoine, Madame Thomas qu'elle fait connaissance du frère Alexis qui va devenir pour elle une source d'opulence qui lui assure de beaux jours à venir. le frère Alexis en qualité de roi des proxénètes est bien accrédité parmi le monde galant où va évoluer à présent Margot. Entre les mains d'Alexis, les délicieuses agonies se succèdent pour Margot avant qu'elle ne rejoigne l'Opéra de Paris en qualité d'élève de Terpsichore. Elle s'avère une danseuse réclamée et disputée. Jusqu'au jour où elle tombe entre les mains d'un financier qu'elle remplace vite par un homme d'affaires de Hambourg, puis un milord anglais bien pourvu en sterling et guinées qui devient un Céladon aux yeux de Margot.
Margot devenue riche avec fiacre et laquais se demande un jour comment il est possible que née avec un tempérament de Messaline, elle ait pu se contenter de gens qu'elle ne choisissait que par intérêt et qui pour la plupart étaient moins que des Hercules dans les travaux libidineux. Alors pour compenser, elle a toujours sous la main un jeune et vigoureux laquais auquel elle assure en retour victum et vestitum. Car elle avoue que toute sa vie, les sentiments épurés et alambiqués de l'amour ont été des mets qui ne convenaient pas à sa constitution : il lui fallut toujours des nourritures plus fortes.
C'est dans les bras d'un riche ambassadeur qu'elle poursuit sa vie…
Un très beau roman libertin décrivant dans un style magnifique et dans la bonne humeur les turpitudes burlesques et érotiques de Margot aux prises avec des prêtres maquereaux et des pigeons à plumer. Un délectable moment de littérature.
Grand voyageur à travers toute l'Europe, Fougeret de Monbron revint fréquemment à Paris pour faire publier ses oeuvres écrites au cours de ses voyages. Très souvent d'inspiration satirique, c'est pour Margot la Ravaudeuse où il met à nu les dessous d'un monde fangeux et libidineux qu'il est arrêté en 1748 pour outrage aux bonnes moeurs. Cet ouvrage jugé très libre et impudique, crime d'État selon les lois de l'époque avec attaque contre la religion, le gouvernement et le souverain, sera longtemps interdit. Il est de nouveau arrêté en 1755 pour les mêmes raisons et à sa libération se réfugie en Angleterre où il peut écrire plus librement. Pour la petite histoire, il faut savoir qu'il légua sa fortune à sa servante en déshéritant quasiment sa famille proche.
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