Citations sur La Société (15)
Dans ma vie professionnelle, j'ai souvent tout confondu. Un petit appât suffisait à me faire croire que de l'amitié se glissait sous le tapis des bonnes manières. Hélas, une fois le service rendu et le plancher débarrassé, il ne restait plus des grandes claques dans le dos que la marque d'ecchymoses douloureuses.
Le temps ayant joué son rôle de papier de verre, limé les aspérités les plus douloureuses, émondé ma mémoire des zébrures diurnes et nocturnes qui l'assaillaient en toutes circonstances, je suis aujourd'hui capable de me mouvoir à peu près normalement dans les ruelles de mes cités intérieures. Cela ne s'est pas fait sans souffrance
La vie doit être envisagée comme un budget, avec aléas et imprévus.
L’écriture m’était une circulation indispensable, comme le sang. Je sais très exactement pourquoi : je ne m’aimais qu’à travers mes mots. L’art vient quand le reste s’en est allé.
Elle appartenait à cette catégorie humaine qui embrasse toujours et partout l’opinion de ses chefs, toute honte bue et bien assimilée puisque la lecture de la hiérarchie ne s’opère que dans un sens. Elle avait si bien conduit sa barque dans les eaux fangeuses du fayotage qu’elle avait été promue, chargée de lire elle aussi les scénarios qui aboutissaient sur le bureau des AOC. Etape inutile : les trois étaient toujours d’accord. L’opinion d’un seul suffisait à rallier celles des deux autres. Et à dissuader le pauvre crétin assis face à eux d’avoir à combattre pour défendre un point de vue différent. L’avantage du nombre crée parfois de bien étranges démocraties.
Il faut se mettre au niveau du vulgus pecum, tout doit être simplifié au maximum, pas de second degré, moins encore de non-dits un peu subtils, surtout surtout de bons ingrédients pour faire monter la sauce, N’oublie pas, il y a des règles.
Enfin, si l’on en croit la pyramide des âges et la progression de l’espérance de vie dans les pays développés, il semble probable que, sauf accident, j’atteindrai un jour la limite d’âge où, selon les deux commanditaires, le cervelet s’étiole, en sorte qu’un principe de précaution élémentaire m’oblige à davantage de respect et d’ouverture.
En plus, grâce au chien, j’aurais une utilité sociale. Tirant sa laisse pour le plus grand bénéfice de locataire du bâtiment D, j’occuperais une place dans le fonctionnement des sociétés. Un an et quelques poussières mensuelles après avoir emménagé dans le local à bicyclettes, il serait peut-être bon qu’on parle de moi dans les étages; que je sois reconnu; qu’on m’estime; surtout, qu’un jour peut-être, on m’aime.
Les impondérables sont facilement identifiables : visites d’un médecin, livraisons de toutes natures (colis express, pizzas, sushis) , coursiers, promenade intempestive du gardien dans les étages. Chaque fois, la mise en lumière de mon domicile, consécutive à la mise en route de la minuterie, provoque une oscillation de mon encéphalogramme.
Parcourir les rayons d’un supermarché les mains vides et refaire le même chemin les poignets reposant sur la barre plastifiée d’un caddie, ça vous change un homme ! Ça vous responsabilise. On devient aussitôt le chef d’une famille nombreuse. La tentation est grande. Surtout si une voix fort douce bien qu’un peu sirupeuse guide la promenade.