AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de fulmar


« Couleurs pastels arborescentes,
Piliers de lumières cristallins,
Elans sauvages, rennes, rois des forêts,
L'offrande mystique d'une parhélie, diamant brûlant
Comme un symbole saami,
Notre ange Niklas,
Pur comme la neige,
Coeur d'enfant,
Artistes itinérants,
Inspirés,
Inspirants,
Nomades dans l'âme ».

La Laponie de Zaz, les reflets de la topaze, je reste en extase.

« L'homme et son renne s'immobilisèrent sur le point culminant.
L'inconnu venait du Sud. Peut-être de Finlande, peut-être de Norvège. Il s'était arrêté au sommet de la colline dénudée où le vent avait ciselé la neige en vagues courtes et brisées. Son attelage soufflait et le grand renne gris, assoiffé, broutait la tête basse la neige poudreuse. Il avait les flancs couverts de sueur. La fatigue avait eu raison de sa combativité naturelle et il ne cherchait plus à s'échapper des traits souples qui le reliaient au long traîneau, lourdement chargé. Sa soif étanchée, l'animal releva l'encolure et ses bois magnifiques se découpèrent sur le fond lumineux de la nuit arctique ». (Incipit)

Au nord de la péninsule Scandinave, un très vieux peuple, les Samisks, mène sous un climat inchangé depuis les temps glaciaires la vie nomade, à peine humanisée, de ses ancêtres d'il y a 30 000 ans, les « hommes du renne ». Faut-il imposer à ce peuple notre mode de vie moderne ?
N'y a-t-il rien dans le sien qui soit digne de l'homme, qui ne puisse et peut-être ne doive éveiller en nous un regret, une nostalgie, voire une admiration ?
Sommes-nous si jeunes ? Et n'aurions-nous pas une jeunesse à retrouver chez ce vieux peuple, contemporain de la jeunesse du monde ?
Ainsi songe le romancier au terme d'une évocation saisissante où la sagacité de l'observation, le don de la couleur et des images, le goût exaltant de l'action s'associent pour recréer une nouvelle fois la vie et l'aventure.

Nous sommes un demi-siècle avant la brigade des rennes d'Olivier Truc. Et Roger, sur sa roche, nous donne le frisson.
Après trois romans sur la montagne alpine, aux environs de Chamonix, dont le célèbre « Premier de cordée », après une autre trilogie située dans le Sahara algérien, dont « La piste oubliée », il nous offre, en 1962, un nouveau cycle, constitué, lui, de non pas trois, mais deux romans : "Lumière de l'Arctique".
Le premier de ces deux romans est paru en 1962,le second, « La dernière migration », qui sera son dernier roman, en 1965.

Les terres sans fin et sans soleil de la Laponie, ses rudes nomades, sa toundra où semble régner une paix séculaire que seul anime le lent mouvement des troupeaux de rennes…

« Il semblait au lapon qu'il avait toujours été là, veillant dans la nuit arctique, incorporé à la taïga, protégeant des milliers de rennes à demi sauvages, dont il connaissait chaque silhouette et, et par la marque des oreilles, le nom du propriétaire .
Il était le maître suprême de ces rennes qui maintenant dormaient, rêvaient ou ruminaient sous sa seule protection. il en ressentait une fierté étrange, grisante, voluptueuse, et bénissait son destin.
En ces heures nocturnes où, seul dans les solitudes de la taïga, il lui semblait protéger le repos de la terre endormie, remontait en lui l'instinct primitif de sa race, la plus ancienne du monde ».

Kristina est une nomade lapone de 14 ans. Elle vit avec ses parents, dans une cita ou son père, Simon Sokki est chef... Mais la jeune fille est déjà indépendante : elle sait chasser, traquer, garder un troupeau de rennes... D'ailleurs, elle en possède un grand, ce qui la rend riche.
Son existence tranquille est troublée par l'arrivée de Paavi, un Finsk qui annonce que son oncle, avec qui Simon Sokki avait volé des rennes d'une famille ennemie autrefois, a été assassiné. L'heure de la vengeance a sonné, les victimes d'hier veulent reprendre leur bien : le troupeau de la famille de Kristina est en danger !
Une autre menace plane sur la jeune fille en la personne de Fru Tidemann, une religieuse qui compte bien emmener la jeune lapone à l'école, pour en faire une chrétienne et une sédentaire civilisée...
Kristina se résout finalement à partir à l'école pendant l'hiver, mais elle arrache à Paavi la promesse qu'il viendra la récupérer. La jeune fille sauvage a du mal à s'adapter à la vie d'écolière. Et tout se gâte quand elle apprend que, durant son absence, 1200 rennes du troupeau de sa cita ont été raflés !
Elle décide alors de s'échapper pour rejoindre la harde, sa harde. Tout le monde se lance à sa recherche, mais seul Paavi, tombé amoureux d'elle, saura la retrouver... A la fin, les deux jeunes gens fuient ensemble, pour retrouver leurs rennes.

Ce roman est un choc des civilisations, des cultures, au pays des « nomades land ».

« Il faut détruire le nomadisme, disait le pasteur, le nomadisme qui maintient les vieilles croyances, qui disperse les populations hors de notre contrôle pendant la majeure partie de l'année...Tout lapon que nous aurons affranchi du nomadisme deviendra forcément un bon Norvégien... Et il ajoutait : Et un bon chrétien... »

Ce roman est un retour à la nature, la vraie, sauvage, pure, intacte, bien que rude et complexe.

« - [...] J'ai pensé qu'on pourrait tuer la vieille femelle stérile qui ne nous a pas donné de petits depuis trois migrations....
- Elle sera coriace, fit Thor.
- Depuis quand as-tu vu tuer les plus belles bêtes du troupeau ? répondit Karin. C'est une fantaisie de Norvégiens que de vouloir des bêtes grasses ! Un Lapon ne mange que les rennes qui ne peuvent plus servir ».

J'ai beaucoup aimé ce roman sur les derniers Lapons, pleins de chaleur malgré le froid de l'hiver nordique. Kristina est un grand personnage, plein de courage, d'esprit, de maturité. On ne peut que l'admirer !
L'auteur a su tisser les mots pour nous amener à ses côtés, sur les étendues blanches du Nord.
Il a un truc pour nous faire passer son message, loin des oliviers séculaires.
Un autre monde, en voie de disparition.
C'était il y a cinquante ans. Que sera-t-il devenu dans un demi-siècle ?
Plus qu'un roman, c'est une poésie en prose !
Zaz, topaze, extase...

« Je repars le coeur serré,
Les bouleaux, les chiens, le traîneau,
Les matins calmes,
Opales de milles nuances,
De mille cadences,
Le soleil dans mon coeur
Témoigne de mon union
De la terre au ciel.
Je reviendrai ».
Commenter  J’apprécie          2511



Ont apprécié cette critique (25)voir plus




{* *}