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Critique de motspourmots


Les belles surprises se nichent parfois sous des pitchs improbables et une couverture intrigante. Cette belle gueule burinée, la force des traits et du regard où passent les années, les douleurs et les plaisirs, avouez que ça donne envie de faire connaissance avec cet homme. Un vieil homme dont la vie minuscule se déroule dans une vallée perdue et oubliée au fin fond des Carpates. Que peut-on bien trouver à raconter là-dessus sur plus de cinq cents pages ? Tout. Tout ce qui fait la vie, une vie. Je viens de lire des pages sublimes sur l'amour, l'amitié, les silences. Il se dégage de ce texte une puissance ancrée dans la terre et la chair par la grâce d'un écrivain qui sculpte sa matière jusqu'à lui donner vie. La présence de Iochka est telle que l'homme transperce les pages de sa vitalité tranquille et pourtant tourmentée.

Dans cette vallée du sud de la Roumanie, au milieu de la forêt où Iochka s'est installé après la guerre, on vit un peu à l'écart de tout même si le monde sait se rappeler à chacun. Un vaste chantier a donné lieu à la construction d'un asile de fous et le docteur a intégré la petite bande formée par Iochka, Vasile le contremaître et puis le pope. Des vies simples où l'on travaille de ses mains, en silence. On se tait plus qu'on ne se raconte, on débouche nombre de bouteilles d'eau de vie, certaines choses se passent sans que l'on cherche à trop en savoir. Il se murmure que les fous de l'endroit ne le seraient pas vraiment et en tout cas moins que ceux qui sont au pouvoir dans les villes et au sommet de l'état. Pour Iochka de toute façon l'important s'appelle Illona, la femme de sa vie qu'il a d'abord cru perdue avant qu'elle ne vienne frapper à sa porte un jour de neige. Leurs corps savent se parler. Nul besoin de trop de mots. Ils sont la quintessence de l'harmonie. Les pages qui relatent leurs retrouvailles sont parmi les plus belles qu'il m'ait été donné de lire sur la façon dont deux êtres fusionnent. C'est somptueux.

Le pays se devine en filigrane, son histoire aussi. Les influences, le pouvoir, la peur, les révolutions et l'inertie. Les violences vécues sont tatouées sous les peaux et les fantômes ne sont jamais loin. Seuls l'alcool et la chair ont le don de les tenir à distance. Les silences sont captivants, chargés en émotions. Mais la figure de Iochka emporte tout sur son passage. Un ouragan de bonté tragique, de tendresse virile, de douleur enfermée. Impossible à oublier. Jamais la chair n'aura été autant perceptible à travers le papier. L'écriture organique de Cristian Fulas - magnifiquement rendue par ses traducteurs - possède une force rare qui m'a totalement emportée. Sans doute ma découverte de l'année.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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