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3.91/5 (sur 39 notes)

Nationalité : Roumanie
Né(e) à : Caracal , le 03/07/1978
Biographie :

Traducteur et écrivain roumain.
Il signe, entre autres, la traduction en roumain des derniers ouvrages de Christophe Bataille ou de Mathias Énard, mais, surtout, l’auteur s’est donné la tâche colossale de retraduire À la recherche du temps perdu, dont le premier tome vient de sortir en 2022.

Source : éditeur
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Iochka et Ilona vivaient isolés dans le désert de la vallée, vivaient comme si autour d’eux il n’y avait rien eu d’autre en dehors du petit espace de leur habitation, et même s’il allait au travail et essayait de le faire correctement, la fatigue et le fait de penser continuellement à son fils empêchaient Iochka de parler aux gens, il s’enfermait encore plus dans le silence qui l’avait accompagné toute sa vie, silence qui devenait de plus en plus épais, comme une signature de sa présence.
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Un immense silence se tissait entre eux, une sorte de bonheur qui durerait aussi longtemps qu’ils vivraient ensemble, un de ces silences qui disent plus de choses sur l’amour que tous les mots du monde, quel que soit l’ordre dans lequel ils sont dits. Sa main s’est tendue par-dessus l’espace du centre de la pièce, il a écarté d’un geste indiciblement lent les mèches mouillées qui barraient le visage de la femme, il l’a caressé d’un geste qui avait l’intensité d’un regard et, elle, avec le mouvement le plus naturel du monde a appuyé sa joue contre sa main lourde, noircie et boudinée.
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On n'oublie pas les choses, on oublie la manière dont elles sont nommées ; on n'oublie pas les gens, on oublie leur nom, ils deviennent ainsi immortels. Ilona le savait mais sans avoir la possibilité de le dire, par ce biais même sa science dépassait I'humain, sa science était pure comme elle, du même niveau de pureté que l'icône et ses personnages, par le fait qu'elle n'était pas nommée, ni dite, de cette manière elle se soustrayait au temps, à l'assujettissement, à la mort. Se taisant, les icônes ne disent donc pas l'immortalité - qui pour les humains est illusoire - et c'est pourquoi elles survivent au temps.
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Il y a des formes de langage qui ne sont pas encore nées au monde, qui sont enfermées dans les objets depuis leur origine et cherchent à l'intérieur de l'homme la façon d'être dites et mises en jeu entre les hommes, et ces trois-là, car l'enfant prenait part forcément à leur tentative pour parler entre eux, semblaient être sur le point d'en trouver une, de dire ce qui ne s'était jamais dit, choses d'une banalité merveilleuse, si fortes qu'elles n'avaient jamais réussi à sortir, malgré tous les efforts, de leur état larvaire et d'exister réellement.
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... entre ces deux êtres se tissait alors une langue commune, vieille depuis que le monde est monde, la langue dans laquelle ils allaient non pas prononcer mais taire une vie entière. Et une mort. Durant ces heures, ce court laps de temps entre l'arrivée de la femme dans la vallée et l'instant où ils sont devenus, tous deux, passage, translation, s'était produit un changement dans leur substance la plus subtile : eux deux devenaient, étaient devenus, allaient devenir pour toujours un seul corps, un seul et unique être que rien ne séparerait même pas un chêne planté au-dessus de leur tombe.
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Le pope s'est approché sans mot dire, on ne l'entendait pas marcher, son corps semblait ne pas déplacer d'air quand il traversait la cour, il s'est assis à côté de lui sur le banc pour regarder la vallée du même point. Peut-être disait-il une prière pour la disparue, peut-être qu'il le faisait lui aussi chaque jour mais sans prononcer le moindre mot, il ne parlait pas à Iochka, il se contentait de rester assis sur le banc à ses côtés et de contempler la vallée, de se taire comme se taisent toutes les bonnes choses de ce monde. Ils se taisaient tous les deux depuis longtemps, depuis plus de vingt ans peut-être, assis sur le même banc, chaque jour à la même heure. Et dans ce silence, la prière du prêtre, cette pensée généreuse, s'élevait au ciel avec une force double. Deux hommes silencieux qui restaient assis ensemble sur un même banc à regarder les mêmes choses. ils taisaient leur mutisme bien mieux que tout autre, ils se taisaient leur mutisme bien mieux que tout autre, ils se taisaient et regardaient, et quelque part dans l'espace créé par leur silence s'inscrivait dans le monde qu'ils habitaient depuis toute une vie ; dans leurs yeux logeaient la vallée, tous leurs souvenirs, peu nombreux, souvenirs de gens simples et silencieux. Silence contre silence, ils n'étaient que deux silences, qui ne parlaient de rien parce qu'ils s'étaient tout dit en l'absence des mots, justement. À quoi bon les mots, s'ils se tenaient sous le grand chêne et si le temps était, et la terre aussi, et le feu et l'eau et l'air, et Dieu, si tout était comme il pouvait l'être dans leur monde, le plus simple des mondes possibles ? Le silence seul, le rien de ce silence, l'absence du murmure du ruisseau, le bruissement des feuilles, tout ce qui comptait c'était cela. Et l'amour, gage de toutes ces choses-là, se disait le pope en regardant les paumes usées de ce vieil homme, ces paumes qui reposaient paisiblement sur ses genoux comme dans les icônes, ces paumes sales et calleuses mais tournées, et pas par hasard, vers le bleu du ciel. 
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Deux hommes silencieux qui restaient assis ensemble sur un même banc à regarder les mêmes choses. Ils taisaient leur mutisme bien mieux que tout autre, ils se taisaient et regardaient, et quelque part dans l'espace créé par leur silence s'inscrivait le monde qu'ils habitaient depuis toute une vie; dans leurs yeux logeaient la vallée, tous leurs souvenirs, peu nombreux, souvenirs de gens simples et silencieux.
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Puis lorsque arrivait l’automne et que la steppe se transformait en une mer de boue qui engloutissait tout, chevaux, hommes, camions, canons et tanks, il ne sortait plus, des jours de suite, de sous sa bâche, restait là à contempler le brouillard épais et humide, une terrible nostalgie du pays montait en lui et que rien ne pouvait apaiser ni les doïnes entonnées par les soldats au coucher du soleil ni les maigres rations fumantes qu’on leur servait deux fois par jour, matin et soir.
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L'histoire était, telle qu'elle s'était conservée dans les actes anciens et dans des livres - plus chers parfois que des villages et leurs habitants ensemble - , le moyen parfait de dire que seuls ceux qui s'enfermaient derrière les murailles pouvaient exister, le reste pouvait mourir à n'importe quel moment selon le bon gré des premiers.
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A quoi bon les mots, s'ils se tenaient sous le grand chêne et si le temps était, et la terre aussi, et le feu et l'eau et l'air, et Dieu, si tout était comme il pouvait l'être dans leur monde, le plus simple des mondes possibles ? Le silence seul, le rien de ce silence, l'absence du murmure du ruisseau, le bruissement des feuilles, tout ce qui comptait c'était cela. Et l'amour, gage de toutes ces choses-là, se disait le pope en regardant les paumes usées de ce vieil homme, ces paumes qui reposaient paisiblement sur ses genoux comme dans les icônes, ces paumes sales et calleuses mais tournées, et pas par hasard, vers le bleu du ciel. Les paumes tout près de la croix en bois de chêne qui se dressait sous l'arbre déjà imoosant, paumes qui ne priaient pas, ne demandaient rien, ne pleuraient pas mais offraient, comme elles l'avaient toujours fait. dans leur union se trouvait toute la vie de Iochka, le pope le savait, il lne pouvait s'opposer à leur beauté at e saurait toujours, au cours de toutes ces années depuis qu'ils vivaient dans une vallée oubliée de tous, chaque fois qu'il avait vu ces paumes, posées sagement sur ses genoux, il avait su, il avait senti, il avait compris que rien ne pouvait s'opposer à leur beauté et à leur simplicité. C'est pour cela qu'il estimait ce vieil homme, qui avait presque son âge, c'est pour ça qu'il était resté à ses côtés, lui avait accordé sa confiance et n'avait jamais hésité à l'aider même lorsqu'il était loin, trop loin, dans les ténèbres de la douleur et de la folie. Iochka était le gage de leur univers, le pope le savait, seul le vieil homme, avec tous ses petits actes comme détachés d'un vieil Evangile inconnu, ne semblait pas s'en rendre compte. Même la lumière qui entourait ses mains était plus pure, plus limpide, elle ressemblait à l'eau bleue du ruisseau dans les matins sereins, le ciel semblait plus doux sous son regard, le vent se calmer, les bêtes sauvages de la forêt de la forêt semblaient elles aussi regarder timidement du fond de leurs tanières lorsqu'il se tenait, silencieux, près de la petite tombe, statue de la simplicité avec ses mains jointes mais pas pour une prière. Sans dire un mot, le viel homme semblait raconter l'histoire du monde entier, il semblait dire que les mots sont inutiles, la pensée les rassemble au même instant et quoi que l'on puisse dire dans des formes savamment tournées, rien n'égale cette simplicité en grandeur et en piété.
(pp.95-97)
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