Pas sérieux s'abstenir - Histoire du marché de la rencontre XIXe-XXe siècle

On peut en revanche retrouver le récit des audiences dans la Gazette des tribunaux et dans les différentes chroniques judiciaires d’autres journaux. Les archives de la Préfecture de Police conservent par ailleurs le souvenir du passage de la Bridage mondaine dans les agences matrimoniales à partir de 1901, pour vérifier que ne s’y dissimulent pas des maisons de rendez-vous. Les archives commerciales gardent peu de traces des agences matrimoniales, puisque, sous pseudonymes ou sous l’étiquette plus vague d’agents d’affaires, les agents brouillent leurs pistes dans le registre de la patente ou les dossiers de faillite. Les agences sans histoire ne sont pas pour autant sans visage, dans la mesure où elles doivent se faire connaître auprès du public pour espérer être rentables.

Matière à fantasmes, l’agence matrimoniale amuse ou inquiète. Que cachent ces ronflantes publicités ? Qui sont les orphelines millionnaires qui s’offrent en mariage dans les petites annonces à la quatrième page des grands journaux ? Difficile de le savoir sans franchir la porte d’une agence ou prendre la plume pour correspondre, car les affaires sont menées dans le plus grand secret, avec « célérité et discrétion » même, selon l’adage que ces officines partagent alors avec les nouvelles agences de renseignement1. Partir à la recherche du premier marché de la rencontre implique de se confronter à une profusion de récits qui mettent en scène ce monde occulte, ou du moins occulté. Marieuses et marieurs doivent composer avec cette attention médiatique et littéraire qui nourrit autant les craintes que les espoirs de leur clientèle. Pour le formuler à la manière de Dominique Kalifa, les représentations produisent et instituent le réel plus qu’elles ne le reflètent. Loin de faire écran à l’ordinaire des pratiques, elles sont une porte d’entrée de l’enquête.