Citations sur Et pourtant, le bonheur est là (35)
Personne ne le sait, mais à l'école primaire quand on lui demandait : « Qu'est-ce que tu veux faire quand tu seras grande ? », Gioia Spada répondait toujours la même chose : « Le bonheur de quelqu’un. »
Beaucoup de gens noircissent des pages et des pages pour raconter la magie de leur premier baiser, avec tous les détails possibles sur l'ambiance - couchers de soleil, plages paradisiaques, flocons de neige, etc. —, mais personne n'explique jamais que le moment unique, incroyable et indescriptible a lieu plus tard, quand on rentre chez soi. Le trajet. Les pieds qui ne touchent pas terre, le cœur qui s'emballe.
Parce que, quand cela arrive à ceux qui en rêvent depuis une éternité, qui pleurent devant les comédies romantiques, qui attendent leur première histoire depuis longtemps, tout est beau et émouvant. Mais quand cela arrive à une fille de dix-sept ans, née en 1999, qui écoute les Pink Floyd et la musique grunge des années quatre-vingt-dix, qui n'a jamais mis de jupe, qui ne se maquille pas et qui préfère mille fois Fight Club à Twilight, eh bien, « émouvant » n'est pas le mot juste.
Ça la retourne comme une chaussette. Ça lui arrache tnpes. Ça détruit ses certitudes.
- Succès... c'est un très beau mot.
- Ah oui, et pourquoi ?
— Le succès, ce n'est pas marcher sur le tapis rouge avec des paparazzis aux trousses. Le mot vient du latin, étymologiquement ça signifie « ce qui arrive, survient ». Donc ça veut juste dire : c'est arrivé ! Quelque chose s'est produit. C'est possible !
Le succès, ça peut être simplement réussir à cultiver un beau potager ou peindre sa maison de la couleur qu'on a choisie, ou encore voyager en Europe à pied.
Le succès, c'est uniquement faire en sorte que les choses arrivent.
— Tu comprends ? Les visages des personnes mentent toujours. Même quand ils ont l'air « natureis », ils ne le sont pas vraiment. Ils se contrôlent, ils font attention à ne pas laisser échapper la moindre expression ! Mais de dos...
— De dos ?
— De dos, ils expriment toujours la vérité.
La classe se tait, divisée en deux clans : ceux qui regardent le prof et ceux qui regardent leur pâtisserie.
Ne pensez pas que quand je dis « crème » ça veut dire sortir, vous amuser, vous droguer... La crème, c'est le courage d'être vous-mêmes, l'envie de montrer qui vous êtes, de garder les yeux ouverts, de faire entendre votre voix. C'est ça, la véritable crème. Il n'y a pas de moment où l'on peut l'éviter, pas de période d'essai, de « ce n'est pas encore le moment » : on n'a qu'une pâtisserie, et peu de temps pour la manger.
Silence. Chacun fixe son gâteau.
— Maintenant, on peut les finir, monsieur ? demande Boccia.
La classe rit, le professeur aussi. Mais il reprend vite son air sérieux et dit :
— N'y pensez même pas, sinon je vous mets un 2.
Eh bien, voilà... aujourd'hui, vous avez parlé d'Héraclite, et vous avez cité sa phrase...
« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. »
— C'est ça. En pratique, Héraclite dit que tout change et se modifie, vous avez donné l'exemple de nos cellules, la plupart d'entre elles s'aurodétruisent, comme si elles se suicidaient !
— L'apoptose. Elles le font pour laisser la place à d'autres cellules.
C'est ça. Bref, durant notre vie, presque toutes nos cellules meurent et sont remplacées. En un certain nombre d’années nous sommes entièrement renouvelés, comme une voiture qui est démontée et remontée pendant une course, avec des pièces de rechange identiques aux originales. À la fin de la course, l'auto est rouillee et cabossée, mais pour le reste elle est comme au départ même si elle a en grande partie été changée.
M. Bove frappe par terre avec sa canne, fait mine de partir, mais il s'arrête, se retourne et dit :
— Au fait, mademoiselle !
— Oui, monsieur ?
— Préparez-vous : à votre âge, les voix que vous avez en vous vont chanter des chansons qui ne vont pas vous plaire. Laissez-les faire, ne les chassez pas. Ces chansons vous parleront de vous bien mieux que n’importe qui d'autre !
La philosophie est née parce que quelqu'un s'est posé des questions que les autres jugeaient stupides.
— Pendant ces semaines, tous les jours j'ai pensé à la même chose.
— Quoi donc, Lo ?
— C'est idiot, mais c'était une question que je voulais te poser la dernière fois qu'on s'est vus.
— Quelle question ?
— Tu sais, les mots que tu notes sur ton carnet.
— Oui?
— C'est lequel, ton préféré ?
— C'est comme si tu me demandais quelle est ma chanson préférée des Pink Floyd ! J'en ai au moins cinquante préférés, comment tu veux que je choisisse ?
— Il y en a bien un qui te tient plus à cœur que les autres ?
— Je n'y ai jamais réfléchi.
— Eh bien, réfléchis-y !
— Envisageable.
— Tu ne veux pas ?
— Non, c'est « envisageable », le mot.
— Vraiment ?
— Oui, c'est un des seuls mots qui n'existe pas dans toutes les langues.
— Ah bon ?
— Oui, je crois.
— Et pourquoi tu aimes ce mot ?
— Parce que ça veut dire à la fois qu'on peut regarder, considérer et prévoir. Tu ne trouves pas ça magique ?
— Je peux envisager que ça le soit...
— Eh bien, envisage.
— C'est difficile, hein?
— Quoi donc, poulette ?
— D'y croire. C'est sacrément difficile.
— Oui.
— Ces choses arrivent dans les films, Tonia, pas dans la réalité.
— Quoi donc, la chute de la terrasse ?
— Non.
— La fausse mort ?
— Non.
— Le père ?
— Non.
— Quoi, alors ?
— Rencontrer quelqu'un avec qui tu te sens
comme ça.