Citations sur L'entropie des sentiments (8)
L’entropie. Elle n’en avait pas retenu grand-chose mais, pour la première fois, à cet instant, elle comprit le concept. Cette loi s’appliquait aussi bien aux sentiments qu’à la thermodynamique. À savoir que tout système tendait naturellement au désordre si on n’y prenait pas garde.
Son père s’assit sur le lit et lui tapota la cuisse maladroitement. Elle aurait voulu se jeter dans ses bras, se blottir contre lui et pleurer tout son soûl au creux de son cou, mais cette main mécanique qui lui enjoignait virilement de se calmer bloqua toute spontanéité. Son corps de femme était devenu transparent. Était-ce dans l’ordre des choses pour une fille de ne plus être étreinte en grandissant ? N’était-on plus censé se faire consoler ? Elle ne demandait pas grand-chose, une douceur, une main qui rassure, « allez, quoi, même un chien reçoit plus de caresses ». Kate observa le manque de chaleur et l’embarras de son père. Et elle songea que personne ne devrait jamais oublier qu’en chaque adulte sommeillait pourtant encore un enfant aux besoins de tendresse. Elle ne l’oublierait pas. « Ça non. Jamais. » (p.54)
- On n’a qu’une seule famille dans la vie, tu sais ? Alors, ça vaut la peine de faire des efforts pour améliorer la situation. Par contre, si tu te rends compte que tu es la seule à te battre, alors, il faudra peut-être envisager de voler de tes propres ailes…
- Partir ?
- Prendre de la distance. Regarder les choses de loin pour moins souffrir. Te protéger avant de vouloir protéger les autres. Te replacer au centre de ta vie. (pp.107-108)
Les rôles étaient distribués depuis le début. Kate était l'aînée, la responsable, la gentille, la compréhensive. Pour garder ce statut, il fallait se tenir bien, être polie, ne pas faire de vagues, ne pas ajouter au chagrin que la maison contenait déjà.
- De quoi te plains-tu encore? Tu ne manges pas à ta faim? Tu te prends des coups? Tu manques de quoi, hein?
- Mais oui je me plains. Je n’en peux plus. Je suis quoi moi dans tout ça? Elle est où ma place?
- Tu n’as pas le droit de dire ça! Tu es injuste! On a tout fait pour que tu sois bien!
- Y a pas que le ménage et la bouffe, maman. T’es bouchée ou quoi? Il est où l’amour? Elle est où la tendresse? La complicité? Et l’écoute? Et le dialogue? Ça fait des mois qu’on ne se parle plus et que tu te braques à chaque fois qu’on te contrarie.
- Et puis c’est quoi une famille normale ?
- Une famille qui s’aime quand même malgré les emmerdes, qui ne s’avoue pas vaincue, qui se serre les coudes, qui se tient chaud, qui se défend, c’est une sorte de volonté commune, un…
- C’est dans les films ça Kate.
- Mais y en a qui y arrivent, Papa.
Son corps de femme était devenu transparent. Était-ce dans l’ordre des choses pour une fille de ne plus être étreinte en grandissant ? N’était-on plus censé se faire consoler ? Elle ne demandait pas grand-chose, une douceur, une main qui rassure, allez quoi, même un chien reçoit plus de caresses. Kate observa le manque de chaleur et l'embarras de son père. Et elle songea que personne ne devrait jamais oublier qu’un chaque adulte sommeillait pourtant encore un enfant aux besoins de tendresse.
Elle comprit que la droiture de sa mère avait déteint sur elle, qu’elle avait mis en place les mêmes mécanismes de défense et de protection. Serrer les dents, mentir et se tenir droite pour ne jamais montrer ses failles était devenu son seul héritage.