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Critique de nilebeh


Cette pièce en trois actes a été écrite par Lorca avant 1936, date à laquelle il a été fusillé par les nationalistes au début de la guerre civile espagnole. Ecrivain , homosexuel, républicain, son sort a été vite réglé par les guardias civiles, fidèles à Franco.

Dans ce texte, court mais très dense, il met en scène la famille exclusivement féminine de Bernarda, veuve sexagénaire qui a pour charge de veiller sur l'honneur de sa maison et de ses cinq filles, âgées de 20 à 40 ans, toutes vierges, toutes en mal de mari.

Nous sommes dans une société méditerranéenne traditionnelle, au coeur de l'Andalousie semi-désertique :
p23 : C'est ainsi que l'on doit parler dans ce maudit village sans rivière, village de puits où l'on tremble toujours de boire une eau empoisonnée.

La société y est très machiste mais le pouvoir matriarcal s'y exerce fortement , ici en la personne toute-puissante croit-elle, de Bernarda. Ses filles la vouvoient et porteront le deuil du père pendant huit ans, avec interdiction d'ouvrir les fenêtres malgré la chaleur andalouse :
P25 : Ici, on fait ce que j'ordonne. Maintenant, tu ne peux plus aller rapporter à ton père. le fil et l'aiguille pour la femme. le fouet et la mule pour l'homme. C'est la règle dans les bonnes familles.

On y est soucieux de l'honneur sans tache de la famille, préservé à tous prix. Et quand une fille s'écarte du droit chemin, malheur à elle ! La meute des villageoises crie vengeance quand une fille-mère est découverte et on la menace des pires châtiments. Les filles de Bernarda, pourtant enfermées et sous contrôle permanent, se joignent à la meute...

Quand enfin se profile un épouseur possible, l'atmosphère se charge de tous les sentiments refoulés : désir d'amour, rancune, jalousie, mépris. C'est que le prétendant, Pepe le Romano, devra, selon la tradition, épouser l'aînée des soeurs qui a 15 ans de plus que lui. C'est elle l'héritière. Souci du qu'en dira-t-on, mariage d'argent, coutume ancestrale, le monde de l'Espagne des années 30 semble figé depuis des siècles. Et la petite Adela, amoureuse du bel Andalou, va se heurter à un mur. Tout comme Martirio, sa soeur.
« Une fille qui désobéit n'est plus une fille. C'est une ennemie. »

Comme dans la tragédie classique, le rôle des servantes et domestiques est important. La Poncia, au service de la famille depuis trente ans, essaie de prévenir Bernarda du drame qui couve. En vain. Sa maîtresse reste convaincue que sa famille est à l'abri de l'opprobre, elle y veille !

Des personnages de femmes sont ici dessinés, en quelques traits précis et frappants, qui vont prendre vie sur scène. Et c'est toute une histoire de l'Espagne qui se vit devant le spectateur :

Lorca oppose une Espagne quasi médiévale dans ses valeurs et ses traditions, où l'apparence est essentielle à celle qu'incarne la jeune Adela, désireuse de liberté, d'ouverture vers un avenir heureux, d'émancipation des vieux schémas, de rébellion contre une structure sociale et familiale calcifiée. Il faudra attendre l'arrivée de Juan Carlos, puis la mort de Franco et la movida pour que la jeunesse espagnole commence à respirer.
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