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Critique de isasymai


Un mardi 20 Avril, la première de "Cosi fan tutte", jouée à l'Opéra de Paris sera retransmise simultanément à la télévision. La fébrilité est à son comble : la direction de l'orchestre sera assurée par Louis Craon, l'un des rares Maestros français renommé dans le monde entier pour ses magistrales interprétations de Mozart. Tandis que dans le public on s'autorise les derniers toussotements, dans la fosse les musiciens se préparent, s'accordent, puis le silence tombe avant l'arrivée du chef d'orchestre.
Sébastien Armant, archet levé attend le signal. C'est alors que le Maître se figeant dans un impeccable garde à vous, lève lentement le bras droit et s'exclame avec force et solennité : "Heil Hitler".
Tout le monde l'a distinctement entendu. Sébastien aussi. Passés les premiers instants d'effroi, il se lève dans un silence de plomb, se saisit de son instrument qu'il place sous son bras, et déterminé à manifester son opposition, tourne le dos au maestro, suivi après quelques secondes d'hésitation par les autres musiciens, et pour finir par les spectateurs eux-mêmes.
Tout cela sous l' oeil des caméras qui n'ont cessé de filmer.
Très vite, Sébastien devient un héros malgré lui. Mais dans ce lieu feutré qu'est l'opéra avec ses codes et ses conventions, sa rébellion spontanée met à jour et bouscule les rivalités et le carriérisme des uns et des autres (directeur, ministre de la culture, chargée de communication....), où chacun joue sa partition sans trop se préoccuper de celle des autres. Si tout ce petit monde se presse et se télescope autour de Sébastien tant que son aura bénéficie à "l'entreprise Opéra", ce sera pour mieux se détourner de lui dès que son éphémère célébrité sera passée ou devenue trop encombrante.
Sébastien Armant (avec un T qui aura toute son importance), instrumentiste sans histoire n'écoutant que sa conscience, subira douloureusement cette notoriété aussi soudaine qu'imprévue. Quand sa surexposition médiatique mettra en danger non seulement sa vie professionnelle mais également sa vie familiale on ne lui pardonnera pas d'avoir occupé un court laps de temps une place qui n'était pas la sienne : le devant de la scène, et non celle dévolue aux musiciens d'orchestre : la fosse, terme ici, ô combien chargé de sens.
L'originalité du roman, au style enlevé, tient surtout au fait qu'il se déroule dans le milieu mystérieux et prestigieux de l'Opéra. François Garde nous montre l'envers d'un décor dont le spectateur ne voit que la mise en scène : les choristes, solistes, et émergeant de la fosse d'orchestre, le Maestro, mais cette fois-ci, c'est des invisibles de la fosse que viendra "la sédition", mais à quel prix pour l'initiateur audacieux. Ce livre se lit d'une traite, jouant sur des registres drôles, dramatiques, caustiques, voire absurdes. Bref tout l'art de François Garde dont j'apprécie les récits.
J'ai également bien aimé celui-ci, bien qu'ayant trouvé certaines situations un peu convenues, mais je lui préfère les atmosphères plus singulières de ses autres romans notamment "Ce qu'il advint du sauvage blanc" et "Pour trois couronnes".
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