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Critique de Osmanthe


La Vie devant soi, encore une merveille de ce facétieux Romain Gary déguisé en Emile Ajar...
Momo est un enfant arabe élevé dans une HLM de la banlieue parisienne par Madame Rosa, une mémé juive. Sur cette idée à la fois simple et incongrue, l'auteur bâtit une galerie de personnages truculents, hauts en couleurs, et le terme est à dessein : cohabitent dans ce presque huit-clos, jamais étouffant grâce à la fraîcheur du gamin, des arabes, des juifs, des noirs, et quelques blancs...

Momo a eu un père dérangé (qui a tué sa femme), et se retrouve sous l'aile protectrice de Madame Rosa, survivante des persécutions nazies et ancienne pute, grosse, vieille, malade. Il découvre la vie, dans des conditions souvent très dures (il traîne, il vole) avec une désespérance teintée d'humour, de philosophie, de méchanceté comme peuvent en être capable les gosses mais aussi d'une profonde humanité, momo étant très attaché à cette mère adoptive dont l'état de santé et le physique se dégradent inexorablement...

Une nouvelle fois, avec Romain Gary, je suis tenté d'employer bien des superlatifs, mais je ne suis absolument pas objectif, tellement conquis d'avance.
Ce livre est un témoignage des années 70, période miraculeuse d'immigration acceptée et heureuse, heure de gloire des tours de banlieues, où malgré les difficultés, la pauvreté, l'obligation parfois de se prostituer pour gagner sa croûte, on rêvait de réussite, de fraternité, dans une forme d'insouciance, parce qu'on avait la vie devant soi...En ce temps vivaient encore beaucoup de juifs marqués directement dans leur chair par les atrocités nazies...et les conflits israélo-arabes faisaient rage, avec récurrence...
Le génie de Gary est de réconcilier tout ce monde avec humanité, sans jamais céder au pathos. L'humour est incessant, c'est un festival, Momo employant des mots pour d'autres, à contresens, avec des traits d'esprit philosophiques déconcertants qui vous arrachent souvent des sourires et même des rires. Ah ! Et ses fameuses formules redondantes ! ("les femmes qui se défendent" pour parler des prostituées, et leurs "proxynètes"...)

Quelle impertinence de ton chez Gary, lui le juif qui aime tant son personnage de petit arabe qu'il peut se permettre de lui faire dire quelques horreurs sans qu'on puisse une seconde le soupçonner de racisme.

Un texte drôle, décapant et émouvant, formidablement actuel à l'heure des tensions dans la société française bigarrée et pluri-confessionnelle, exemplaire par son message de tolérance...Actuel aussi par sa problématique du droit à choisir sa propre mort, de l'euthanasie...Abordé de manière récurrente, ce sujet lié à la déchéance physique de Madame Rosa pourrait bien traduire les propres démons de l'auteur, qui se suicidera quelques années plus tard...

J'ai encore beaucoup d'oeuvres de Romain Gary à découvrir, et ma bibliothèque en est très fournie...Quels bonheurs de lectures à venir !!!

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