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Critique de gerardmuller


Les racines du ciel/Romain Gary/ Prix Goncourt 1956
Lorsque j'ai décidé de relire ce roman pour la troisième fois en 50 ans, je ne m'attendais pas à y trouver autant de résonnances très actuelles.
En fait j'avais connu cette belle histoire en premier lieu par le cinéma en 1958 en allant voir le film de John Huston avec Trevor Howard dans le rôle de Morel. Mon amour de l'Afrique a sans doute commencé ce jour là.
Prix Goncourt 1956, ce fabuleux et riche roman est sans doute le premier roman de type écologique. Écologique seulement : non ! Ce serait un raccourci réducteur. Brièvement, l'histoire est celle d'un homme, Morel, qui veut faire cesser en Afrique l'extermination des éléphants, l'image même de la liberté.
Citation : « "Quand vous n'en pouvez plus, faites comme moi : pensez à des troupeaux d'éléphants en liberté en train de courir à travers l'Afrique, des centaines et des centaines de bêtes magnifiques auxquelles rien en résiste, pas un mur, pas un barbelé, qui foncent à travers les grands espaces ouverts et qui cassent tout sur leur passage, qui renversent tout, tant qu'ils sont vivants, rien ne peut les arrêter - la liberté, quoi! Et même quand ils ne sont plus vivants, peut-être qu'ils continuent à courir ailleurs, qui sait, tout aussi librement. Donc, quand vous commencez à souffrir de claustrophobie. des barbelés, du béton armé, du matérialisme intégral, imaginez ça, des troupeaux d'éléphants, en pleine liberté, suivez-les du regard, accrochez-vous à eux, dans leur course, vous verrez, ça ira tout de suite mieux..."
Par ailleurs sont mis en évidence en filigrane les premiers frémissements de l'idée d'indépendance parmi les populations locales. le personnage de Waïtiri, comme le dit très bien un lecteur préfigure bien les chefs d'état africains à venir. Morel, un personnage noble, hors du commun, haut en couleur, est parfaitement campé par Romain Gary pour en faire un homme sympathique et intéressant. Morel, l'indomptable, prêt à tout en distribuant initialement des pétitions puis se livrant à des actions plus musclées et parfois comiques contre les chasseurs. Misanthrope apparemment, il se bat pour la liberté et pour l'honneur de l'humanité. Par sa force d'âme et son caractère entier, il force le respect. Soutenu par Minna, orpheline allemande, ancienne prostituée, il va sillonner les savanes avec passion et détermination. Exalté, solitaire, obstiné, idéaliste et ayant une foi inextinguible en sa démarche, Morel s'interroge sur l'impact des humains sur la planète.
Citation : «Tout n'est pas encore salopé, exterminé, gâché… il existe encore quelque chose de beau, de libre sur cette terre de merdeux. Les éléphants n'y sont pour rien, pas coupables » de ce que deviennent les hommes et la terre qu'ils habitent, envahissent, détériorent au nom du progrès. Mais finalement, « nous sommes tous des êtres humains, tous d'une même grande et belle famille zoologique. »
Gary, à travers Morel s'exprime clairement : « L'Afrique perdra lorsqu'elle perdra les éléphants. Comment pouvons-nous parler de progrès, alors que nous détruisons encore autour de nous les plus belles et les plus nobles manifestations de la vie ? »
Au delà du thème de la protection de la nature, Gary décrit tout un contexte politico-historique riche en malversations et compromis douteux. La décolonisation est en route.
L'ambiance de l'époque est bien traduite par des descriptions précises et dans un style parfait, le beau style de Romain Gary. Une kyrielle de personnages hauts en couleur accompagne de-ci de-là Morel dans sa folle équipée.
Un roman à lire et relire assurément, enrichissant et incitant à la réflexion.
Quelques dernières citations de phrases que j'ai retenues :
« Il m'a souvent paru qu'à partir d'un certain degré de sérieux, de gravité, un homme, dans la vie, est un infirme, on a toujours envie de l'aider à traverser la rue. »
« Quel est celui d'entre nous qui n'a jamais été saisi d'une haine aussi soudaine que passagère pour notre espèce ? »
« Il y avait là, comme dans tout paysage africain, une place immense à prendre, une place illimitée, et comme mystérieusement désertée par quelque présence formidable… »
500 pages de bonheur ! Magnifique !
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