AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de AgatheDumaurier


Dernier roman de Romain Gary, peut-être un testament...
Deux parties très distinctes : avant la deuxième guerre mondiale, et pendant celle-ci.
On rencontre Ludo, 10 ans, en 1929 en Normandie. Il est élevé par un oncle vétéran de la grande guerre, qui crie son pacifisme par la confection de merveilleux cerfs volants à la dimension symbolique. Il nous montre le monde tel qu'il devrait être sans sa violence aveugle et stupide. Son meilleur ami est le chef trois étoiles du restaurant "le clos joli", pour son propriétaire la représentation la plus puissante de la France éternelle...
Ludo fait à dix ans la connaissance d'une aristocrate polonaise, Lila Bronicka. Elle reste dix minutes auprès de lui, mange toutes ses fraises, et lui dit qu'elle reviendra peut-être le lendemain. Il l'attend quatre ans. Dans cette famille, on ne peut pas oublier. Il souffre tous d'un trop plein de mémoire. Lila revient enfin, ils se lient d'amitié et plus encore, et vont traverser des heures sombres.
La première partie est divine de grâce. Cela ressemble un peu au Grand Meaulnes, avec les fêtes et le château des Polonais, et Le Normand campagnard. L'humour débridé de Gary en plus, car tout le monde est fou et fantasque dans les deux familles normande et polonaise. Duels pour les beaux yeux de Lila avec le cousin allemand, cracks boursiers pour le comte Bronicki, ruiné toutes les deux heures, comtesse qui rattrape tout en usant de ses charmes, et le maitre du Clos Joli qui ne pense qu'à ses menus truffés...
La deuxième partie, bien sûr, vient détruire ce fragile édifice. Disparitions, bombardements, résistance, épuration ...Mais on dirait que Gary s'est lassé, qu'il en a marre de cette guerre. Il aurait pu aller plus loin, il passe vite, finalement. Et le monde qui sort du marasme a perdu son enchantement.
Malgré les cerfs volants et les pâtés aux truffes.
A une époque, on ne parlait pas de la guerre, ceux qui l'avaient vécu étaient encore jeunes et bien vivants. On ne regardait pas le mal en face, on n'entendait pas la voix des justes et des déportés, comme l'oncle de Ludo, passé par Auschwitz. Ce silence a pesé sur Romain Gary, sur sa sensibilité exacerbée, sur son sens de l'honneur, sa haine de la bêtise et de la violence. La lassitude a-elle fini par s'emparer de lui ? Où n'est passé cette France éternelle que vantent ses héros à la mémoire trop vive ? Celle qu'ils ont appris à l'école publique, comme il le répète dans tout le texte ? Marre d'attendre qu'elle revienne, peur qu'elle n'ait disparu, crainte qu'elle n'ait jamais existé ? La fin du texte se perd dans un avenir terne, sans folie, sans rires et presque sans espoir.
Commenter  J’apprécie          290



Ont apprécié cette critique (26)voir plus




{* *}