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Critique de kalistina


A bout de souffle :

"Vous êtes marié, vous?"
Je sortis de mon portefeuille la photo d'une ravissante femme, au visage jeune sous des cheveux blancs, et je la lui montrai. J'étais tombé amoureux de ce visage plus de cinq ans auparavant et je l'avais découpé dans un magazine.

Trois textes composent ce carnet, mais c'est du premier que je vais vous dire quelques mots. Il s'agit de l'ébauche d'un roman inachevé, probablement commencé en 1969. Il s'agit d'une oeuvre de fiction (enfin, on l'espère, vu certains passages!), mais dans laquelle Romain Gary se met en scène. Il parle de sa liaison avec Jean Seberg, de son passé pendant la guerre, au cours de laquelle il a dû faire et vivre des choses plutôt atroces... Et de son retour aux Etats-Unis, dans une petite ville lambda, où il doit accomplir une certaine mission...
Comme j'aurais aimé lire la suite de ce début de roman! On retrouve la verve de Romain Gary, ce ton qui fait tout son charme. Un petit passage qui me semble assez révélateur du style de cette ébauche :
"J'ai une fille, qui est mariée à un éleveur de moutons en Australie". Quand on n'a pas de fille, rien ne vous empêche de la marier à un éleveur de moutons en Australie. Je fus soudain envahi par un puissant sentiment de réalité et par l'impression d'avoir les pieds solidement sur terre, si bien que je me demandai si je reverrais un jour ma fille. D'immenses espaces à ciel ouvert où paissaient les moutons. Au cours de mes années de lutte et de combat, j'ai vu tellement d'endroits et une si grande partie du monde, j'ai tué tant de gens pour si peu que le seul espoir qui me reste, c'est que ma fille qui n'existe pas, mariée au type qui n'élève pas de moutons en Australie, jouisse de la paix et du bonheur.


Journal d'un irrégulier :

Romain Gary a tenu pendant quelques années, au début des années 70, la "chronique d'un irrégulier" dans France Soir ; morceaux choisis de ces chroniques, ainsi que quelques autres articles journalistiques parus ici et là.

5 parties pour ce recueil : un groupement de chroniques, deux nouvelles, un questionnaire de Proust et un poème.

Les chroniques, puisque destinées au public français, m'ont "parlé". Romain Gary y moque nos hypocrisies, y parle avec ironie des médias qui nous manipulent... J'ai notamment apprécié la chronique dans laquelle il retranscrit ses réponses à un questionnaire visant à "dégager les traits communs à toutes les formes de création artistique".
"- Croyez-vous qu'une intense activité sexuelle soit incompatible avec la création artistique?
- Cela dépend des techniques d'expression. Lorsqu'on écrit à la main, l'autre main est toujours disponible. Lorsqu'on tape à la machine, il faut évidemment se faire aider par quelqu'un. [...]
- Un certain fétichisme littéraire joue-t-il, selon vous, un rôle dans la création littéraire? Eprouvez-vous le besoin d'avoir autour de vous, lorsque vous écrivez, un cadre particulier ou certains objets sur votre table de travai? Avez-vous, comme Balzac, une tenue favorite pour écrire?
- Je suis très fétichiste. Certains objets me sont indispensables : un stylo et du papier par exemple. Quant à ma "tenue favorite pour écrire", je mets des bas noirs, des souliers à hauts talons, des dessous roses et des jarretelles. Je ne peux pas, sans ça. [...]
- Estimez-vous que les écrivains ont plutôt intérêt à sa soumettre à la psychanalyse?
- Les écrivains, je ne sais pas, mais certains enquêteurs, sûrement".

L'une des deux nouvelles s'appelle "La Paz : l'homme qui mangeait le paysage". Je l'ai trouvée très poétique, très belle... le narrateur (qui comme d'habitude présente des similitudes troublantes avec l'auteur) rencontre à La Paz un Français qui a une théorie pour le moins originale quant à la meilleure façon de savourer un magnifique paysage.
"Lorsqu'un spectacle de toute beauté s'offre à votre regard, il vous suffit de vous installer devant et, tout en le contemplant, de déguster un plat que vous aimez, un mets exquis, une des friandises dont vous raffolez. Il faut absorber une quantité suffisante de délicieuse nourriture pour ne plus jamais avoir faim de quoi que ce soit, pour vous setir détendu et satisfait, habité par l'impression paisible d'avoir savouré en même temps que ce que vous mangiez un peu de la grande beauté du monde".
Alors, que choisiriez-vous comme mets pour graver en vous à jamais les beaux endroits que vous visitez? Pour le narrateur, ce sont les cornichons à la russe!

Quant aux réponses de Gary au questionnaire de Proust, je les ai bien évidemment trouvées savoureuses! Je ne vais pas vous les révéler, il faut bien laisser un peu de mystère...


Un soir avec Kennedy :

Quatre textes de Romain Gary, réflexions ou récits de moments vécus, sur la société américaine.

Le premier texte est le récit d'un repas de Gary et sa femme Seberg chez Jackie et JFK. Moi qui ne connais quasiment rien à l'histoire américaine et à ses grandes figures, j'ai un peu appris qui était ce si fameux président, et je pense que ce petit récit est intéressant même pour les moins ignares que moi : c'est le Kennedy de l'intimité qui est ici dévoilé.

Les trois autres textes sont des réflexions de Gary sur la littérature américaine ; là encore, je ne m'y connais guère, mais son analyse semble diablement convaincante (bon, je suis partiale, j'avoue...). Il s'interroge d'abord sur le rapport des grands écrivains des Etats du Sud à la "question noire" ; puis il écrit quelques courtes pages sur la vitalité du roman américain par rapport au roman français ; et enfin, c'est sur Norman Mailer qu'il se penche. N'ayant jamais lu quoi que ce soit de ce dernier, je pense que je n'ai pas pu pleinement apprécier le point de vue de Romain Gary...


Dans l'ensemble, trois petits recueils que je suis ravie d'avoir lus. Je n'aime pas les formes courtes (je ne pensais pas lire des textes aussi brefs en demandant à lire ces ouvrages), mais j'aime Romain Gary, et ça a pris le pas!
Lien : http://kalistina.over-blog.c..
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