AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de RuhaudEtienne




À l'heure où la notion de développement durable fait partie du programme de géographie au collège, et où l'on enseigne la transition énergétique au lycée, l'ouvrage cartographié de François Gemenne et Aleksandar Rankovic dresse un tableau analytique assez précis de l'état de la Terre. Bien qu'alarmiste, l'Atlas de l'Anthropocène propose des pistes précises et documentées.



Qu'est-ce que l'Anthropocène ?
Inventé par le météorologue néerlandais Paul Josef Crutzen, prix Nobel de chimie en 1995, le concept d'Anthropocène signifie littéralement « ère de l'homme »(le néologisme étant formé à partir des mots grecs anthropos,ἄνθρωπος, « être humain », et kainos,καινός, suffixe relatif à une époque géologique). Selon les savants, nous serions depuis dix mille ans dans la période « holocène » de l'ère quaternaire. P. J. Crutzen, et, à sa suite, les auteurs de l'ouvrage, pensent quant à eux que nous sommes déjà dans l'Anthropocène, c'est-à-dire dans une époque où l'activité humaine modifie profondément et définitivement la nature. L'entrée dans cet âge nouveau demeurerait difficile à dater toutefois : devons-nous remonter à l'apparition même de l'homme (ce dernier ayant toujours modifié son environnement), ou parler d'Anthropocène après la Seconde Guerre mondiale, période d'accélération, en termes de démographie, de progrès techniques, et donc de pollution ?



Histoire et panorama du désastre
L'Anthropocène a effectivement grandement, et gravement, modifié l'ordre naturel. Véritable « année zéro » bouleversant tous les équilibres, l'Anthropocène remet en cause notre modèle de développement. Les problèmes écologiques prennent aujourd'hui une dimension globale, qu'il s'agisse du trou dans la couche d'ozone causé par les gaz à effet de serre, du réchauffement provoquant fonte des glaces, montée des eaux, acidification des océans et exode des populations, des dommages liés à l'agriculture intensive et à la surpêche, ou de notre difficulté à gérer les détritus, que l'on parle de déchets radioactifs ou de ces continents d'emballages plastiques flottant à la surface des mers. Les chercheurs abordent également la difficile question de la démographie. Prévoyant que nous serons « onze milliards de sapiens en 2100 » (p. 108), tous s'inquiètent de nos modes de vie, de consommation et d'alimentation. Beaucoup plus nombreuse, majoritairement urbaine, la nouvelle humanité ne survivrait pas sans changements.



« le lecteur se sent doublement perdu (…) : il est minuscule comparé au résultat des catastrophes diverses que chaque page de cet atlas lui rappelle ; il est immense en tant qu'humain générique capable d'une telle transformation. » (Postface, Bruno Latour, p. 143)

Sortie de crise(s) ?
S'appuyant sur des données chiffrées, des cartes et des schémas, les thèses développées dans l'Atlas demeurent angoissantes. le lecteur est tenté de se réfugier dans le déni, ou dans la certitude que le progrès technique, et notamment la découverte d'exoplanètes, nous sauveront. Il peut a contrario tenir compte des suggestions proposées tout au long du livre, en particulier dans la dernière partie. Les défis écologiques cruciaux ne sont pas circonscrits à un pays, une nation, mais mondialisés. Les solutions sont, elles, profondément politiques et géopolitiques. Une prise de conscience, certes tardive et encore insuffisante, voit le jour, à travers des forums ou par le biais d'ONG. Depuis 1972, les Nations unies se mettent lentement au chevet de la planète. Créé en 1988, le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), entre autres, propose une vraie réflexion et invente des scénarios, aboutissant à des résolutions. Les auteurs s'insurgent en tout cas contre ce qu'ils estiment être de la pure désinformation, propagée par les lobbies, et notamment par l'industrie fossile ou par les entreprises forestières. Sont ainsi évoqués divers combats, perdus ou gagnés, menés par des spécialistes ou par de simples activistes, indigènes, parfois au péril de leur vie, contre les grands groupes. Sans s'engager dans la lutte, le citoyen lambda aurait, lui, la possibilité de modifier, individuellement, sa façon de vivre, en tenant compte de l'environnement, en consommant autrement, en achetant des produits locaux. Les ressources s'épuisant, les pays industrialisés, et notamment les États-Unis, devraient redéfinir leur rapport à l'objet, et donc à la planète. Les intellectuels, eux, ne pourraient plus dissocier sciences naturelles et sciences sociales, puisque désormais tout serait lié à l'humain, à son impact, tout se penserait à l'aune de l'Anthropocène.



Ce qu'il faut retenir du livre
Profondément militant, dédié à la sauvegarde de notre planète, cet ouvrage impeccablement documenté réunit l'ensemble des données sur la crise écologique en cours. Il sera donc doublement utile à l'enseignant, lui permettant de prendre lui-même conscience de l'ampleur du défi, et de transmettre des chiffres, des éléments précis aux élèves, soit à de futurs adultes, en leur précisant qu'il n'est pas encore trop tard.



Étienne Ruhaud, journaliste et blogueur
Lien : https://www.reseau-canope.fr..
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}