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Critique de Alfaric


J'ai lu tous les Gemmell. Je les ai tous adorés : celui-ci ne fait pas exception à la règle ! Cela se lit étonnamment vite et étonnamment bien : mine de rien c'est fluide et c'est efficace. le style est un peu sec au départ, mais Karim Chergui finit par bien sentir la plume et le rythme gemmellien. C'est par contre ballot de ne pas avoir traduit le titre Dark Moon pour sans doute faire plus, la cool !

Commencons par le worlbuilding : les liens avec Drenaï existent mais ils sont assez ténus car nous sommes dans le monde des Oltors qui ont fait venir les Eldarins efliques et les Daroths tout droit sortis d'AVP.
Après le genocide des Oltors et le bannissement des Daroths, les Eldarins eux-mêmes font venir les humains. Si on ajoute les différentes formes de magie, c'est de loin le plus high fantasty de tous les livres de DG. Mais le personnage d'Ozhobar, véritable sosie de Léonard de Vinci permet d'aller plus loin. Car que retrouve-t-on derrière ces ducs, ces condottieres et ces armées de mercenaires ?
Une Renaissance alternative ! Corduin = Florence, Loretheli = Venise, Duché des Marches = Duché de Savoie. Ne reste à savoir que si le duc Sirano est un fils caché des Borgia de Rome ou des Sforza de Milan.
On n'est vraiment pas très loin de l'ambiance des "Monarchies Divines" de Paul Kearney (un must pour les fans de DG !)
On sent aussi au début des réminisences de Sergio Leone et de Clint Eastwood qu'il est difficile de se sortir de la tête par la suite, mais DG a lâché du lest sur le western médiéval (même si un passage c'est "Et pour quelques dollars de plus").

J'en ai déjà parlé pour "L'Echo du Grand Chant" : les 2 romans sortent du même tonneau (même duel d'artillerie par ex). On retrouve le schéma de "Légende" : mise en place des enjeux / des personnages, préparatifs de guerre, guerre elle-même. L'intrigue est donc assez voire très prévisible dans ses grandes ligne, avec en plus des éléments déjà vu ailleurs chez DG. Sauf que dans "Légende" la guerre constitue la partie la plus consistante : ce n'est clairement pas le cas ici.
Et au lieu d'utiliser une figure centrale monolithique qui doit motiver toutes les autres on reprend une structure en POV :
- Tarantio / Dace le bretteur schizophrène (dont l'histoire ressemble fort à celle de Chaos / Den du manga culte "Gunnm")
- Karis, la strong independant woman howardienne (pas trop difficile de reconnaître Belit)
- Duvodas, le ménestrel magicien pacifiste (on aura reconnu l'Owen Odell de "L'Etoile du Matin")
Quel est la figure la plus importante ? Pas facile de trancher ! (Tarantio / Dace comme allégorie de l'humanité ?)
Autour d'eux des personnages secondaires très intéressants :
- Forin le colosse roux tout droit sorti des Highlands
- Vint l'aristocrate courtois et généreux
- Necklen le vieux vétéran paternaliste qui souffre la disparition de sa femme et sa fille
- Ozhobar l'inventeur autodidacte revanchard
- Sirano le prince sorcier torturé (la ressemblance physique avec le jeune Druss interloque)
A côté d'eux de chouettes personnages ternaires :
- le Duc Albreck, dernier espoir du monde libre (difficile de ne pas imaginer le Lorenzo Medicis de la série "Da Vinci's Demon")
- Pooris le politicien intègre et courageux
- Giliad le capitaine mercenaire héros malgré lui

Tous devront mettre leurs différents de côté pour lutter contre l'apocalypse darothe ! C'est juste dommage que Loki n'ait pas pu participer à la baston finale avec le reste des Avengers.

Sur le fond on retrouve les leitmotivs de DG : les piques anti aristo, les diatriques anti politiciens, les pamphlets contre l'égoïsme, l'addiction au jeu aussi (cf. WIII). Tous les personnages sont unis par un destin à la MM : tous autant qu'ils sont, ils recherchent activement leur Tanelorn !
Tarentio / Dace retrouve Miriac, Karis trouve Forin, Duvodas trouve Shira… Quel indécrottable romantique ce DG !!! Si certains réunissent, d'autres échouent même s'ils trouvent une forme malgré tout une forme de rédemption. Quel perso meut salement ? L'archétype de la crevure capitalo-libéro-narcissique : l'infâme ploutocrate Lunder…
La dualité amour / haine, ambition / compassion est évidemment décliné tout au long du roman sous diverses formes. La magie rappelle aussi les thèmes écologiques du jdr "Dark Sun" (magos préservateurs vs magos profanateurs). Et il est fort probable que les Daroths, prenant tout le monde de haut, qui saccagent la nature et ne se soucient de rien et ni de personne mis à part leur propre sentiment d'immortalité et leurs caprices quotidiens jour soit une nouvelle allégorie pour l'individualisme forcené en Occident.

Et ce roman mine de rien est un véritable hymme à la tolérance.
Les Oltors ont failli par naïveté, les Edarins par méfiance, les Daroths par paranoïa, les humains par égocentrisme. Nous nous élevons et nous tombons tous ensemble : coexister / coopérer est la clé pour prospérer, et pas la compétitivité. Il y a même une dimension psychologique universelle à tous cela :
L'âge d'or Oltor prend sa fin avec l'invocation des Eldarins isolationnistes et des Darothts expansionnistes.
L'âge d'or du jeune enfant coincé dans la mine prend fin avec la naissance du doux Tarantio et de l'impitoyable Dace.
L'âge d'or des semi-divins UrSkeks prend fin avec la naissance des Mystiques et des Seksès
Difficile de ne pas se souvenir de la dimension philosophique du chef-d'oeuvre de Jim Henson and Frank Oz. Je reste persuadé que "Dark Crystal" (1982) est pour beaucoup de chose derrière Dark Moon :
les Eldarins / Daroth et les Mystiques / Seksès, la dualité amour / haine, les thèmes écologiques, la magie musicale…

N'y allons pas par 4 chemins, on sent bien que DG s'est nettement amélioré depuis les années 80, mais :
- on a encore droit à un gros revival de répliques éminement eighties
- le synergie entres les différents POV reste perfectible car DG se perds parfois en petits zoom humanistes
- des personnages très intéressants auraient mérité un roman à eux tout seul pour être vraiment bien développés
- des ellipses frustrantes (la chute de Morgallis en qques pages, le massacre de Prentuis en qques lignes…)
- une fin est précipitée puisque on survole la bataille des catacombes et on perd de vue Anakim Duvodas Skywalker
- le personnage du Prime Oltor est un gigantesque deus ex machina qui fait avancer l'intrigue (comme Sofarita)
Bref ce manque encore un peu de vista et comme d'habitude 100 à 200 pages de plus n'auraient pas été de trop.

En conclusion : pour trouver notre Tanelorn, il faut être à l'écoute des uns et des autres et des différents soi-même. Une philosophie profondément humaniste qui a bien souvent insupporté les détracteurs de David Gemmell. Qu'ils aillent au diable...
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