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Critique de Pol-Art-Noir


Après une « ouverture » mystérieuse autour de l'inauguration d'un zoo d'un nouveau genre où les barreaux des cages sont remplacés par des vitres de dernière technologie — technologie par ailleurs défaillante puisqu'une gamine finit par se faire bouffer par un lion — on entre dans le vif du sujet en même temps que sur la place du village de Saint-Piéjac, quelque part pas très loin d'Angers. Là, Connor Digby, citoyen britannique et écrivain de bluettes pour enfants, se fait livrer une Cadillac Eldorado qui provoque par la même occasion un attroupement devant la boulangerie. Une attraction qui fera la journée des quelques dizaines de badauds présents.
Connor, quinquagénaire en mal d'inspiration, est bientôt aux prises avec Marceline qui, non contente d'avoir failli emplafonner le camion du livreur de la Cadillac, fait grossièrement à Digby le coup de la panne. Lui voudrait s'en débarrasser, mais la « belle » est entreprenante et au lieu de coucher sur une page blanche un fantasme en bon français, l'Anglais se retrouve au pieu avec son entreprenante inconnue pour une épique et mémorable partie de jambes en l'air.

— Je suis une sale conne, tu dois te dire.
— Non.
— Mais si. T'as raison de toute façon : je suis une sale conne. C'est les mecs qui font la gueule après la baise. Hein ? Tu te dis ça, c'est ça ? Ben non, tu vois, Concho, y a pas que les hommes. Y a aussi les bonnes femmes. Les bonnes femmes comme moi, qu'ont fréquenté un peu trop les hommes qui font la gueule après la baise. Voilà, c'est comme ça.

On fait alors la connaissance de Kim Bayer et de son désherbeur thermique, faisant office de narratrice épisodique et atteinte du syndrome de la Tourette. Tout ce beau monde assiste au loto organisé dans la salle des fêtes où l'improbable couple détonnant remporte le gros lot : un cochon entier…
Le matin suivant revient sur le tapis la Cadillac qui n'est pas vraiment destinée à Connor, mais plutôt au marquis de la Chesnaye pour qui il fait office de mandataire. Reste que le noblion n'est pas des plus honnêtes et cherche plutôt à arnaquer Digby…

On est au coeur de la France provinciale, voire profonde, dans une bourgade qui comme beaucoup a voté à l'extrême droite lors des dernières élections et se remet difficilement de la défaite. Dès l'entame on sent que la finesse n'est pas la qualité première de ses habitants.
Menée tambour battant, l'intrigue se développe autour du couple Connor-Marceline, deux étrangers à Saint-Piéjac et à ses coutumes ancestrales. Ces deux-là s'étant trouvés, ils vont mettre tout leur coeur à foutre le « seum » et à rétablir l'équilibre dans ce joli village qui part en « couille ».

Sébastien Gendron a hissé le foutraque vers les sommets et, fidèle à ses habitudes, il ouvre une nouvelle voie vers des cimes encore inconnues et pourtant familières. Qui aime bien châtie bien, paraît-il, on peut donc penser que l'auteur porte une affection sans bornes à ses semblables. Mais pas tous… Certains ont des dérives qui le hérissent et c'est un règlement de compte en bonne et due forme qui se profile au fil des pages. Qu'il s'agisse des chasseurs, des petits commerçants, de l'équipe municipale plus soucieuse de ses propres intérêts que de ceux de ses administrés, des vieux rabougris ou des jeunes cons, pas un pour rattraper l'autre et chacun en prendra pour son grade. Vous êtes prévenus : ce sera une boucherie. Jubilatoire, mais une boucherie quand même…
Foutraque donc, mais pas seulement. En poussant le curseur à son maximum, Sébastien Gendron vise la saturation et fait feu de tout bois, mais il sait aussi se ménager quelques plages pour fonder son récit et retrouver son sujet de prédilection : la bêtise humaine et il s'interroge — à sa manière et sans toutefois s'appesantir sur les réponses possibles — sur ces gens du fin fond de la France qui deviennent des racistes ordinaires, prêts à défendre leur territoire contre des hordes d'étrangers dont ils n'ont jamais vu la couleur et à voter les pleins pouvoirs à des extrêmes à la couleur sombre.
Le couple Connor-Marceline est animé d'une saine et vitale colère, il rue dans les brancards, s'ouvre à la vie face au renfermement, mais force lui est de constater qu'il n'existe qu'une solution « finale » face à la connerie environnante.
Caustique est sans doute le mot qui résume le mieux ce nouvel avatar « gendronien ». On rit, forcément jaune, devant les outrances et le déferlement de violences, de sexe, de stupidité, le tout se déroulant sous un ciel chargé, bien noir. Je me répète : qui aime bien châtie bien…

Le plus drôle dans l'histoire, c'est que, suivant l'auteur sur les réseaux sociaux (oui, parfois, ça m'arrive), j'avais eu vent de ses problèmes de voisinage et notamment de son « ami » buraliste qui avait détruit une vieille bâtisse du XIXe pour y construire un PMU en tôle et un parking pour 4x4 rutilants, pas trop au goût de son voisin écrivain. On était au printemps 2022, l'été approchait avec ses traditionnelles élections et on sentait comme une grosse colère monter… Un des posts sur cette « affaire », quelques mois plus tard, se terminait sur ces mots :

Vous me direz, je vous entends déjà : de quoi tu te plains, te voilà avec un bon sujet de roman, non ? Vous me connaissez, je suis pas du genre à me vanter de mon travail en cours, mais je vous répondrais quand même : le roman est écrit, merci. Et dedans, mon voisin finit très mal.

Affaire conclue…
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