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Critique de isanne


Ces jours derniers, l'hiver balbutie, il semble vouloir troquer sa houppelande de neige et de givre contre un pardessus tissé de verdure tendre et fragile. Mais les atours du froid s'accrochent encore un peu faisant frissonner tout être animal et tout végétal...
L'hiver est aimé lorsqu'il écrit les sautillements du rouge-gorge à la mangeoire, quand il attire les chevreuils au plus près de la maison, quand il fait courir - on n'imagine pas, avant de les avoir vus, leur agilité ! - les sangliers dans les champs en dormance. Il devient regretté quand il choisit, pour nous tirer sa révérence, de faire fleurir et embaumer le mimosa et ses pompons duveteux !
Tout un chacun, un tant soit peu amoureux de cette nature qui se veut amie de tous, guette la violette qui sera signe que le printemps est de retour, celle qui suit de très près la ficaire, malicieuse, pas fière, éternel clin d'oeil jaune comme un soleil couché dans l'herbe qui n'aurait pas eu assez d'élan pour s'accrocher dans le bleu du ciel, bleu autrement contemplé dans le "visage" de la pervenche ou encore dans la palette de couleurs de la jacinthe des bois.

Cette année, je vous invite à rencontrer un compagnon pour murmurer le mot "patience" en attendant un peu plus de douceur de la brise qui caresse, en tendant l'oreille impatiente vers les pépiements qui disent tant du changement de saisons : ce petit livre de Maurice Genevoix - "Images pour un jardin sans murs" - quel beau titre à lui seul…
L'écrivain y raconte ses "trois" jardins, ceux qu'il a possédés ou habités durant sa vie, celui de l'enfance, celui de l'âge adulte et celui de la maturité dans lequel il a pris le temps de regarder au lieu de voir et de comprendre au lieu de juger, celui dans lequel il a déambulé avec sa petite-fille et avec laquelle il a, lui-même, retrouvé ses yeux d'enfant. Et d'évoquer au fil des pages tournées par le vent complice, tous les jardins qu'il a visités, en invité ou en curieux, toutes les espèces végétales qu'il a croisées au cours de ses voyages. Et finalement, n'est-ce pas la nature, tout simplement, qu'il considère comme un jardin, sans clôture, comme "son" jardin gigantesque, toujours en mouvement, toujours en évolution, de telle sorte que rien n'y est jamais identique à la veille et que tout n'y est jamais que l'ébauche de ce qui sera demain ?

Maurice Genevoix attend aussi le printemps et il sait entraîner le lecteur dans sa quête, dans sa recherche des indices de son éclosion prochaine. C'est un herboriste, un érudit, il nous cite le nom des fleurs, des arbres, et nos oreilles tintent de tous ces sons de magie, il nous mène auprès des oiseaux et des écureuils qui ne le craignent pas et nous fait entrevoir l'harmonie - parfois cruelle - des lieux. Il regarde avec la même constance les autres saisons, et s'émerveille inlassablement de tout ce qu'elles lui offrent de beautés, de surprises, de partages...

Ce texte est un philtre, de ceux qui emprisonnent le coeur pour le libérer dans la corolle transparente et à peine teintée de rose d'une anémone des forêts, ou d'une vesce rougissante dans sa robe parme, de ceux qui font retentir les bruits de la présence du sauvage, de ceux qui font chercher ces yeux qui nous observent avant qu'on ne les ait remarqués, de ceux qui font s'extasier devant le nacré-pailleté de la traces des escargots après la pluie...

Alors il se peut que des larmes perlent aux paupières de celui qui lit, l'écriture enchante tellement dans son murmure que l'émotion pourrait faire trembler et perdre la notion du présent et puis, on tourne la tête vers la fenêtre, par pudeur, parce qu'il ne faut pas montrer l'émotion qui est sienne devant tant de poésie, et… oui, c'est bien cela, ce cri, comme un souvenir enfoui chaque année au plus profond des pensées, gardé comme un trésor de la mémoire à protéger : ce cri des grues cendrées qui reviennent. L'amandier secoue ses corolles fragiles en harmonie et on prend conscience, on réalise... Il est là, il est arrivé pendant qu'on "écoutait" l'écrivain nous en parler, pendant qu'on flânait au fil des pages dans cette nature qui nous attire tant, le printemps, cette renaissance, cette nouvelle histoire qui s'écrit, est revenu et les oiseaux pépient à s'époumoner, s'en faisant messagers. Et il reste à celui qui lit à fouler la terre, et à chercher, et compter les violettes aperçues comme autant de signes supplémentaires consentis.
Alors, comme il est dit : le jardin revit et peut-être que le lecteur ébahi aussi !
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