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Critique de gouelan


En lisant ce roman on pourrait mettre en fond de musique le Requiem Dies Irae de Verdi.
Mais finalement le silence convient mieux tant chaque phrase contient d'images, la musique se fait toute seule, dans la tête.

Est-ce une fable mystique, est-ce un conte noir où les hommes s'emmêlent dans leur folie, leurs excès ? le lieu s'y prête en tout cas. Sombre village perdu dans la forêt du Morvan où les habitants vivent du travail du bois. Envoutés par la nature, on les croirait d'écorce, enracinés à leur hameau de pierre et de planches, ils se marient entre eux, s'enlisent dans leur folie.
Est-ce le regard vert de forêt, celui de la vouivre qui leur a jeté un mauvais sort ou bien le crime de l'homme qui assomme l'amour de colère, poignarde la beauté de son délire ?

La belle Catherine égorgée au bord de l'eau se confond avec le troupeau de troncs morts qui roule dans la rivière dans un chant de funérailles, ou encore avec les sanglots du piano de sa fille Claude.

Ce meurtre accompli dans le silence fera craquer une brindille lorsque la belle se couchera dans l'herbe pour l'éternité, mais le destin taciturne et insatiable, en fera un craquement tel un arbre centenaire que l'on abat, un craquement qui rend sourd la raison des vivants.

Parfois la forêt laisse entrevoir une clairière à travers les fils si nombreux de Reinette-la-Grasse. Ils portent en eux une brutalité lumineuse, une sauvagerie poétique, une musique qu'ils empruntent au vent, aux oiseaux, à l'orage, à la rivière. Ils sont dans l'excès de sève et de branches, ils ont à l'âme la couleur de la nature indomptable.

Un conte biblique, un envoûtement diabolique, ou tout simplement la folie des hommes enfermés de solitude, de croyances ténébreuses, aveuglantes, étranglés de pauvreté, éteints par leur labeur de bêtes. Des hommes rugueux, rustiques, sculpteurs d'anges ou de démons, profondément ancrés à leur terroir comme les arbres qui leur font ciel.

J'ai découvert une écriture sombrement poétique, ciselée, écorcée. Un roman riche, chaque personnage est un sentier de ronces, d'orties, de saxifrage jaune ou de magnolia en fleurs. On y entend l'orage de ciel ou d'homme, le bruit des sabots, le claquement des draps dans le vent, les éclats de rire des anges à la couleur des abeilles, le grondement des bûches sur les galets de la rivière, le beuglement des bêtes et les râles des hommes, les sanglots du piano, le bilboquet d'un enfant vieux, le frottement des grains d'un chapelet, le craquement du feu vers la voûte céleste, le raclement des chariots promenant les morts avec les vivants. On y entend le grelot du rire de Reinette-la-Grasse broyé par le rire d'enfer du bûcheron Mauperthuis.

Un roman somptueux.
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