AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de PierreLe


Ce livre, recueil de textes et d'esquisses d'Alberto Giacometti, présente un double objectif recherché par l'artiste dans l'écriture.

Les écrits que le sculpteur, peintre et dessinateur nous laisse sont, en premier lieu, son invention de l'écriture. Ils lui permettent d'outrepasser la prise de conscience de l'impossibilité d'écrire. Leur discontinuité : avancées, reculs, permet une approche du réel.

Ils s'inscrivent ensuite comme le support qui relate les expériences de l'auteur. D'une part il nous transmet son ressenti sur la fuite du temps, l'errance, la difficulté, la question du passé, l'inachèvement. de l'autre il nous plonge dans son travail sur la matière, sur la poussière, sur le vide et sur la lumière ; ce travail animé des pulsions maîtresses qui régissent son oeuvre : l'enfance, la femme et la mort. L'enfance, berceau de l'apprentissage, des rêves et des jeux. La femme, fascination, plaisir et transgression. La mort, clarté à travers la chair.

Ils remettent notre vision en cause et nous projettent par intermittence dans le vécu de l'artiste et dans sa recherche de la réalité.

Les écrits d'Alberto Giacometti suscitent des questions en terme d'espace sans y donner, ou seulement partiellement, une réponse. Se remémorant une caverne qu'il avait trouvé étant jeune, il amène une réflexion sur plusieurs points. D'abord il pose le problème de l'entrée, « une fente juste assez large pour nous laisser passer » (p.7), et ainsi la limite entre intérieur et extérieur. Ensuite, il poursuit l'interrogation à l'intériorisation. La grotte devient une seconde peau, « il y pouvait à peine tenir » (p.7). Cette sensation qu'il recherche aussi lorsqu'il essaye, dans la neige, « de creuser un trou juste assez grand pour y pénétrer » (p.8). Ces mêmes questions posées dans La poétique de l'espace de Gaston Bachelard engendrent une réflexion en qualité spatiale, rapportée à des expériences propres. La recherche d'un abri intime, propice à l'immensité de la rêverie, aux méditations de l'âme.

L'intérêt de cette lecture réside de plus dans le fait qu'elle met en exergue deux processus de création de l'artiste. le premier marque ses premières sculptures, exécutées dans l'espace une fois leur construction mentale achevée : son oeuvre transite par sa réflexion avant d'être produite. le second anime la fin de sa vie : il interroge son regard afin d'y extraire le réel. A la fois l'importance et la subjectivité de l'oeil se détachent des notes relatives aux travaux de Giacometti. Comment regarder ? Que regarder ? Pourquoi le regarder ? Tout en prenant bien compte que regarder, c'est considérer ce que l'on voit, y prêter attention, l'examiner. le regard joue un rôle primordial.

À travers ces écrits, il nous en apprend davantage sur des points relatifs à la création, qui peuvent être résumés par quelques citations. Il cherche dans son travail à « faire un grand ensemble uni et complet de masses : une masse dont toutes les parties vont ensemble l'une avec l'autre » (p.112), afin de reproduire cette sensation du réel : « la seule partie que je regarde entraîne la sensation de l'existence du tout » (p.85). « L'espace n'existe pas, il faut le créer mais il n'existe pas, non » (p.198). Ces phrases-clés marquent l'esprit et permettent de développer une réflexion personnelle.

D'autres qui ne semblent pas s'adresser directement à l'architecture ont un impact important : l'architecture est une discipline ouverte, elle sait emprunter à d'autres. Par exemple quand Giacometti explique qu' « il y a toujours un espace de dimension indéfinissable qui nous sépare de la sculpture, cet espace qui entoure la sculpture et qui est déjà la sculpture même » (p.23), ou quand il prévient de la « relativité de toutes les choses » (p.114) : « le mystère existe en tout, sur tout » (p.129). « le seul élément permanent et positif, c'est le vide, le grand vide béant dans lequel les personnages gesticulent » (p.26).
Commenter  J’apprécie          70



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}