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Critique de laurentloisel


Quel étrange ouvrage inintéressant !

Je suis dur, mais cette accroche lapidaire est à l'image de ma frustration, suite à la promesse faite par le 4ème de couverture qui vendait de l'aventure et du rêve. La Patagonie (mon plus beau voyage), le road-movie, la vieille voiture (au lieu de la moto, mais, soit, je pouvais accepter cette entorse) et la gestation d'un roman : tous les ingrédients d'un roman que je rêverais d'avoir le talent d'écrire.
En fait de roman, il s'agit plutôt d'un récit à la croisée d'un journal de voyage, d'un reportage et d'un relevé d'opinions sur plein de sujet différents (littérature, socio-politique, économie, écologie et j'en passe).

L'auteur, bien qu'ayant une belle écriture, n'a aucun talent pour faire passer la moindre émotion, ni faire vivre ses personnages, à commencer par son compagnon de voyage dont il parle comme il parle de sa voiture : sans âme ni présence, simple décor à son nombrilisme.
Faute de talent, l'auteur nous assène sans cesse des preuves de son érudition sous forme de citations ou de listes de ce qu'il a lu ou vu, ou des auteurs qu'il côtoie, et il plaque tout ça dans un récit qui ne décolle jamais.
Probablement par manque d'inspiration, les descriptions des villes qu'il traverse se résument généralement à des informations que ne renierait pas Wikipedia (nombre d'habitants, activité économique) et il a un avis sur tout, asséné de façon péremptoire. Exemple à propos du manque d'éoliennes en Patagonie, qui frise l'ultracrépidarianisme (suite à un pari perdu, je devais le placer absolument celui-là !) : « Un imbécile comme il y en tant, un ignorant, un chauvin local, tente une explication impossible devant mes protestations; il parle des difficultés du terrain, du fait qu'il s'agit là d'une technologie encore expérimentale. Je lui rétorque qu'on l'a trompé. » (nous sommes en 2000)

Il semble constamment aigri contre tout et tout le monde (et détail rigolo, semble obsédé par le goudronnage des routes, sans doute faute d'avoir changé les amortisseurs de sa voiture avant d'entreprendre un tel périple) :

« Pour une raison inconnue, il n'y a pratiquement aucune ville ou village au bord de l'eau. Je ne sais à quoi est due cette absurdité mais certains Patagons l'attribuent à l'un des deux arguments habituels ici : le vent. Les Patagons accusent toujours le vent ou encore les moutons pour expliquer leur indolence. »

« Il n'y aura jamais d'investissements en Patagonie si on ne prépare pas d'abord le terrain pour permettre le changement : voilà ce que les responsables locaux se refusent à comprendre. Mais, pour cela, il faut éduquer, goudronner, établir des colons et leur donner des crédits. »

N'hésite pas à donner des leçons à longueur de pages :

« Si j'avais vingt ans, je n'hésiterais pas à venir ici en pionnier. Mais, aujourd'hui, la plupart des jeunes regardent ailleurs dans la direction indiquée par la télé et la bière. »

A se demander s'il a finalement aimé la Patagonie, qu'il décrit souvent comme un lieu désolé, monotone et ennuyeux (surtout le long de la côte).

Pour couronner le tout, il place en italique des extraits du roman qu'il est censé écrire par une mise en abyme bien lourdingue, mais également des morceaux de pensées, de poésies, de rêves, de textes divers qu'il place ici parce qu'il ne sait visiblement pas trop quoi en faire, mais ne veut pas le perdre à la postérité, ou bien veut montrer des faces cachées de son talent. Bon, là, j'extrapole peut-être un peu, mais ce monsieur a quand même une très haute opinion de lui-même :

« Pourquoi et pour qui écrire ce que j'écris ? Serai-je capable de me rendre compte un jour que ce que je fais ne sert à rien et, pire encore, saurai-je admettre que cela n'intéresse personne ? » (puisqu'il le dit)

« Mon expérience, … , est peut-être trop présomptueuse : jamais je n'ai accepté les changements proposés par un éditeur ou un traducteur. Je veille à ce que mon écriture ne perde pas de saveur tout en essayant, en même temps, de la rendre capable de renfermer tous ses lecteurs possibles. »

« Même s'il s'agit d'inconnus, comme le sont la plupart des lecteurs anonymes, j'en tiens toujours compte pour trois raisons : parce que l'acte esthétique a besoin du regard et de la sensibilité de l'autre; parce que l'autre t'accorde toujours une chose précieuse : son temps; et parce que, de surcroît, il peut même aller jusqu'à payer pour ça. Il faut être très reconnaissant envers les lecteurs. C'est pourquoi la superbe de tant d'écrivains prétentieux et bouffis d'orgueil est agaçante. » (je suis entièrement d'accord)

Bref, si la Patagonie vous fait rêver, ne lisez surtout pas ce livre…
(désolé, je suis très dur, mais cette lecture m'a vraiment agacé).
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