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Critique de umezzu


umezzu
24 septembre 2022
La lecture de la quatrième de couverture intriguait : comment Franz-Olivier Giesbert allait présenter les premières années de la V éme république ? Une histoire factuelle ou un déroulé ponctué d'opinions personnelles ?
Eh bien, ni vraiment l'un, ni vraiment l'autre.

Si le journaliste a pu rencontrer, voire côtoyer, des dirigeants de premier plan, cela ne s'applique bien entendu pas à la période traitée, qui commence juste avant 1958 et s'achève avec le départ du général De Gaulle en 1969. Giesbert n'était alors qu'un gamin, puis un adolescent. Ses idées politiques lui étaient alors dictées par le contexte familial ; sur les questions algériennes il a d'emblée pris le contre-pied de son père – qu'il détestait pour frapper sa mère –, puis a suivi à fin des années soixante sa mère colleuse d'affiches pour le parti socialiste (ou pour Jean Lecanuet...). Ce qu'a fait ou pensé l'auteur n'est qu'une (très) faible partie de l'ouvrage.
Par contre, le livre est nourri des témoignages croisés de ceux qui ont vécu l'époque, soit au plus haut niveau, soit dans l'entourage du Général de Gaulle. La mise en perspective des actes publics de l'homme de l'appel du 18 juin et de ses pensées intimes, parfois contradictoires en fonction des interlocuteurs, est révélatrice d'un homme qui attendait son heure, alors que les partis de la IV éme République se disputaient les places au gouvernement, tout en étant incapables de proposer une attitude cohérente face à l'inévitable décolonisation.
Il semble acquis que De Gaulle avait, bien avant son arrivée au pouvoir, l'indépendance algérienne comme objectif. Pour différents motifs : historiques, démographiques et religieux. Aussi, quand il se place en recours face aux troubles militaires en Algérie, et qu'il est soutenu par les partisans de l'Algérie Française, il y a d'emblée un malentendu ; malentendu délibérément entretenu par le général, quitte à sacrifier ensuite certains de ses meilleurs soutiens. le de Gaulle qui est appelé à la présidence du Conseil, puis profite des circonstances pour mettre en place une République présidentielle, est un opportuniste politique ou un politique opportuniste, au choix. Il est guidé par ses idées fortes, qu'il met plus ou moins en place avec les premiers gouvernements de la cinquième République. Ceux qui l'ont accompagné et soutenu durant les années de relégation à Colombey ne sont pas les mieux servis de ses fidèles. Il distribue les portefeuilles en fonction des équilibres internes et n'hésite pas aller chercher la compétence parmi ses adversaires quand cela lui semble nécessaire, comme par exemple en nommant Antoine Pinay à l'économie.
Sur la période de la guerre d'Algérie, des hostilités avec l'OAS ou avec le FLN, tous les témoignages cités convergent : à un moment, le général De Gaulle a voulu hâter indépendance, quel qu'en soit le prix. Giesbert rappelle que si l'armée française a pratiqué la torture, notamment lors de la bataille d'Alger, le FLN s'est imposé comme le mouvement algérien le plus violent, pratiquant lui aussi des horreurs sur la population pieds noirs, mais aussi sur les partisans des autres mouvements politiques algériens plus tempérés. le de Gaulle qui veut les accords d'Évian entend mettre fin à ce qu'il considère être une erreur historique. Point. Tant pis si le pouvoir passe là-bas aux dirigeants les moins fréquentables. Tant pis pour la population locale d'origine européenne, ou pour les harkis.
Les chapitres sur les gouvernements successifs du général montrent qu'à la fin, il se refusait à envisager un successeur parmi les siens. Aucun en lui semblait à la hauteur de la tâche. D'où des coups bas, des manipulations des uns contre les autres. de la petite politique qui surprend de la part d'un homme passé à la postérité pour son apport considérable à la France du vingtième siècle.

Plus que récit d'une époque, c'est à une lecture plus personnelle des événements qu'invite Giesbert. Nos grands hommes sont des humains comme les autres, ayant parfois des visions prophétiques de l'avenir (et De Gaulle en a eu pas mal reprises dans ce livre), tout en étant atteints d'une grave myopie sur les conséquences immédiates de leurs actes.
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