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Critique de Fleitour


Lumineux

Le deuxième livre de la trilogie de Pan, est à travers le récit d'Amédée, la bouleversante quête d'un amour impossible. Amédée le vieux journalier, écoute Albin lui raconter sa vie, je suis de Baumugnes, répète t-il, "solide et droit, il n'osait pas bouger, mais vous auriez vu ses yeux !", lâche Amédée
p 124.
Ces mots il les avaient en bouche ce soir là, à Manosque, au bar de la Buvette du Piémont, ce soir là où tout a commencé. Ils étaient deux journaliers à Marigrate. Lui Amédée a trouvé Albin avec "ses mots durs, doux, qui savent où est le cœur", page 15. Albin fracassée par l'amour d'une jeune fille, enlevée devant lui par le Louis un gars de Marseille sans vergogne.

Lui Albin était bloqué à la table de fer, il fallait qu'il redise je suis de Baumugnes, "j'ai en moi Baumugnes tout entier".

"Tu vois, ce que je lui reproche, à mon village qui m'a fait, c'est qu'il ne m'a pas appris à tuer".


Cette voix qui lui parle d'Angèle, d'un amour à peine entrevu et déjà son impossible douleur. Sa voix, Amédée la décrit page 27, "cette voix lente qui partait dans la nuit, droit devant elle comme un trait, et qu'elle dépassait le rond du monde, ça semblait comme le vent, la parole des arbres, des herbes, des montagnes et des ciels. Ça avait la luisance d'une faux.


Le lendemain après cette confession, page 30, "Albin fit comme ça des épaules , à quoi bon ?" "Et ça creva dans moi comme une eau qui pèse une digue de terre puis gagne, renverse et inonde le verger."
Écoute "je vais aller à la Douloire, crois moi! " Amédée a noué sa corde à celle du garçon, sa corde à celle d'un de Baumugnes, la douleur pour seul fardeau pour affronter la Douloire, et bientôt la peur.
La Douloire où vivent les parents d'Angèle.


L'énigme de Baumugnes, est dans la lignée de la trilogie. La transposition du dieu Pan par Jean Giono, est pleine de finesse et confère à ce roman une magie qui rehausse le premier tome.
Baumugnes est le village au delà des villages, trouvant refuge dans la montagne, "une terre qui touche le ciel, p 17", pour échapper à toute incursion des religions ou des croyances étrangères. Là règne la musique, la monica, qui est un mélange de sifflements et d'harmonies, et "ça tirait les larmes au yeux."


Selon Ovide Pan défie Apollon dans un concours musical. L'autre allusion mythologique, indique que Pan confectionna un instrument de musique auquel il donna le nom de flûte de pan instrument de séduction pour rendre toute personne amoureuse.


Dans les souliers d'Amédée il n'y a que la promesse faite au gamin. Il ne sait pas encore que la peur va le gagner, quand Clarius le père d'Angèle se dresse devant lui avec son fusil. Ce fusil qu'il brandit à chaque fois que l'on parle d'Angèle.

Dire pourquoi je suis fan de Giono ? Ce grand roman d'amour puise sa force dans ces terres de Provence, ces chemins de pierres, ces vents à écorner les bœufs, bref dans la nature. Hier dans Colline elle avait endossé sa méchanceté, et sa colère.

Ici c'est la colère des hommes qui s'exprime, et parfois la nature devient magique, avec les mots de Giono, avec les doigts d'Albin, avec sa bouche qui la fait chanter, et bouleverse Amédée, subjugué, lui le vieux compagnon d'infortune.

C'est la magie quand il chuchote p 33, "c'est de finesse qu'il faut travailler, j'aime bien que le vent me flûte autour des oreilles."
C'est la magie de Saturnin, "ce valet à l'ancienne qui avait à la fin trouvé sa place, il était de la famille plus que s'il en avait eu le sang et la chair. p 50."

Amédée regardait aussi la maison, la Douloire, "la maison en pierre, les murs et les tuiles, le bois des volets, tout cela bien joint, bien fermé sur l'air noir du dedans et je ne pouvais pas arriver à comprendre pourquoi c'était si bien fermé pourquoi on avait mis cet air du dedans à l'abri de nos mains et de notre œil.

Et puis un jour une simple tasse est laissée, sur la paillasse par Philomène. La patronne revenant de la cave ne pouvait en justifier l'usage par un familier. Alors Amédée a compris qu'Angèle, "la fille aux gestes justes la meneuse de chevaux, l'amante de la Douloire, cette lampe dans la tête d'Albin était sans doute séquestrée."


La magie de ces textes tient beaucoup à ce tête-à-tête entre Amédée et Clarius. Amédée a besoin de comprendre pourquoi cet homme a verrouillé sa maison, comprendre sa colère, sa violence et sa solitude.

On retrouve aussi ce tête-à-tête dans le roman chien-loup de Serge Joncour inversé. Joséphine part affronter le dompteur, la force est avec lui, la peur qu'il suscite terrorise le village. Mais à l'extrémité de ce tête-à-tête Serge Joncour défie la peur et transforme ce tête-à-tête en un duo d'amour.

La magie de ce texte va connaître son point ultime quand Albin va jouer de la Monica deux soirs de suite, une musique qui se fond dans les arbres une musique pareille au vent. Jean Giono décline alors de très belles images, page 87  ;
"moi j'écoutais un petit bruit dans les platanes, très curieux que je trouvais doux ; c'était une feuille sèche qui tremblait au milieu du vent. Cette feuille-là me disait plus à moi que toutes les autres en train de faire les acrobates autour d'une clarinette."
"Eh bien la musique d'Albin était cette musique de feuilles de platanes et ça vous enlevait le cœur."
Un de Baumugnes, un roman déchirant et magique.

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