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Critique de MarcelP


"Il ramasse ses braies ; le velours est encore gonflé d'eau. Il tord sa chemise, puis il se la noue sur le ventre, puis il met ses souliers. Elle le regarde faire. Elle sait ce qui va arriver : c'est tout simple. «Viens, dit Panturle, on va à la maison.» Et elle a marché derrière lui dans le sentier."

Accroché aux flancs d'un plateau venteux, le hameau d'Aubignane se meurt. Avec le départ du vieux Gaubert, descendu dans la vallée pour y affronter la mort, n'y demeurent plus, enracinés dans une terre sèche et désolée, que la vieille Mamèche, une antique souche noircie par le malheur et Panturle un tendre surgeon vigoureux. Que faire de tant de sève ? s'insurge Panturle perdu dans cette thébaïde délabrée. Une femme peut-être... Mamèche promet de lui en ramener une.

Taraudé par son désir, Panturle (à l'oreille de qui "Pan hurle") est écartelé entre la chair et le couteau, entre Éros et Thanatos : ce bouillonnement sexuel qui le subjugue et le déchire ne peut ni ne doit se sublimer dans le sang (fascinante scène de l'éventration d'un renard). Dans le chapitre qui clôt la première partie du roman qui en compte deux, Panturle rencontre enfin la femme qu'il appelait de ses voeux, la douce Arsule (la femelle de l'ours ?).

Giono échauffe alors son récit, la sensualité y éclate en éjaculats de métaphores. On assiste au grand rut d'une nature turgide alors qu'une orgie d'images érotiques fuse, jaillit, explose sous la plume charnelle de l'écrivain. Arsule "entend le coeur et le craquement sourd de ce panier de côtes qui porte le coeur comme un beau fruit sur des feuillages" et, après l'assouvissement des corps, décide de suivre son promis.

Avec modestie et sobriété, Giono nous conte une histoire simple, universelle et mythologique : celle d'un paradis retrouvé, celle aussi d'un brave génie tellurique qui avec sa compagne de hasard, ressuscitent un village. Festonnée de sublimes copulations d'images -inédites et stupéfiantes-, l'histoire coule paisible comme un ruisseau de montagne, accélère soudain en cascades de sensations avant de retrouver un cours adouci.

Après le thrène désespéré de Colline, la tendre églogue d'Un de Baumugne, Giono referme sa géniale trilogie panique avec ce précieux épithalame élégiaque. Regain est un chef d'oeuvre propre à illuminer notre monde en fin de parcours, une leçon d'innocence, un récit originel gorgé d'optimisme. Simple et beau.

"Il prend une poignée de cette terre grasse, pleine d'air et qui porte la graine. C'est une terre de beaucoup de bonne volonté."
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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