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Critique de berni_29


♬ Ils quittent un à un le pays
Pour s'en aller gagner leur vie, loin de la terre où ils sont nés ♬

Regain est ce court roman de Jean Giono qui vient conclure la trilogie de Pan. Je vous ai déjà chroniqué les deux premiers volets, Colline et Un de Baumugnes. Les trois récits peuvent se lire dans un autre ordre que celui proposé par cette trilogie et indépendamment les uns des autres. Ce sont trois histoires différentes, avec des personnages que l'on ne retrouve pas d'un récit à l'autre, sauf un seul : la nature dans ce décor à la fois éblouissant et rude de Provence...
Et puis, avec le recul de ces trois lectures, j'aperçois la beauté d'une fresque paysanne qui se dessine, magnifique et sensuelle, où la terre se désire et se livre dans les gémissements du vent et l'équilibre instable du ciel.
À force, les gens de là-bas ont fini par être façonnés par la nature, par lui ressembler. Ainsi, je ne suis pas prêt d'oublier Panturle qui ressemble à un morceau de bois et lorsqu'il ouvre les bras béants, il devient un arbre. Dire que sa mère n'était pas plus grande qu'une sauterelle !
Je ne suis pas prêt d'oublier non plus la vieille Mamèche. Elle sait qu'il faut une femme pour Panturle afin qu'il reste ici... Elle ne s'en ira pas avant... Un jour, elle s'efface et disparaît derrière le paysage comme par enchantement, elle devient une feuille morte qui glisse sous la porte, au moment de transmettre la suite de l'histoire. C'est une passeuse...
Ni Arsule, ni le vieux Gaubert, ni L'amoureux, ni Alphonsine, ni Gédémus...
Je crois les revoir défiler devant moi une dernière fois au moment où je referme ce livre qui clôt La trilogie de Pan. Je voudrais les emporter dans mes souvenirs.
Ce sont des personnages pétris d'amour et de fraternité, taiseux, secrets, suspendus à leurs destins.
Même ceux qui n'ont pas la bonté naturelle en eux se laissent parfois assaillir par la grâce d'un instant, le chant d'une fontaine, le feu dans l'âtre, un geste qui comprend et apaise...
On sent que les personnages sont habités par quelque chose de plus grand qu'eux.
Et puis, surtout, on y retrouve aussi le style inimitable de Giono : mystique, solaire, animal.
Regain, c'est une terre qu'on croyait ancienne, éteinte, peu à peu oubliée des femmes et des hommes, comme ce village qui s'appelle Aubignane, qui se vide et qui se meurt.
Ici, le tranchant d'un plateau cisaille le paysage en deux, avec des maisons qui se tiennent désormais presque au bord d'un vide sidéral, celui de l'oubli...
C'est un pays renfrogné, qui s'endort, balayé par des vents parfois enragés.
Savez-vous que la terre s'endort si des gestes doux et ancestraux finissent par s'éloigner d'elle ? Elle a besoin qu'on lui parle, qu'on la remue tranquillement, pas outrageusement...
Parfois il faut un peu de vie pour combattre la fatalité.
Regain, c'est une terre qui attend qu'on la délivre de l'oubli et du silence des landes.
Aubignane attendait peut-être ce peu de vie pour retenir ces pierres au bord du vide, écarter le genêt, affuter le soc d'une charrue... Aubignane attendait peut-être quelqu'un comme Panturle... ou d'autres encore...
Regain, c'est une joie qui dévale plus forte qu'un ruisseau.
Ce sont des chevaux qui tournent brusquement leurs têtes étonnées vers ces lointaines formes éblouissantes qui apparaissent dans le paysage, un vert pâturage hallucinant qui s'allume comme un brasier et enflamme le printemps. Comme j'ai aimé cette image ! Je ne connais que Giono capable de décrire un tel instant sidérant...
C'est une chanson serrée dans les lèvres de Panturle, entassée dans sa gorge et qui ne demande qu'à s'envoler...
Ce récit a quelque chose de magique et de mystérieux, d'attachant aussi, il y a une odeur de genêts, de pain chaud, de désir qu'on étreint dans la lumière de Provence.
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