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Critique de ODP31


Ma première rencontre avec Werther date seulement de la semaine dernière, lors d'une représentation de l'opéra de Jules Massenet au Théâtre du Capitole de Toulouse.
Le ténor Jean François Borras, qui incarnait Werther et interpréta le célèbre « Pourquoi me réveiller ? Ô souffle du Printemps ! » eut sur moi le même effet que la musique du joueur de pipeau sur un serpent à sornettes.
Durant les entractes, je me souvins, un peu honteux, que le roman de Goethe prenait la poussière dans ma bibliothèque depuis plusieurs années et qu'il avait dû perdre tout espoir de se retrouver un jour ventilé entre mes mimines.
Dès la fin de la représentation, malgré l'heure tardive, je partis à sa recherche et je le débusquai, la couverture collée à son voisin de droite et une araignée fossilisée sur la tranche.
Il ne m'en a pas tenu rigueur.
Peut-être que le charme suranné des décors de l'opéra m'avait mis dans de bonnes dispositions pour me laisser séduire par cette histoire d'amour impossible à l'issue tragique que mon cynisme habituel aurait peut-être dénigré ou qualifié de mièvrerie datée dans d'autres circonstances.
En fait, Goethe est celui qui a le mieux expliqué le succès de son chef d'oeuvre, cité dans la préface de Pierre Bertaux :« Il serait fâcheux qu'au moins une fois dans sa vie chacun n'ait pas une époque où Werther lui semble avoir été écrit spécialement pour lui. »
le sortilège exercé sur le lecteur est ainsi débusqué. Werther nous touche car il rappelle à chacun les épisodes de sa vie où la passion a ignoré la raison. le romantisme allemand, dont Werther est l'incarnation, ce n'est pas seulement, comme je l'ai longtemps cru, des vallées embrumées encerclant des ruines abandonnées aux saules pleureurs, au lierre et aux peintres mélancoliques. C'est une forme d'hommage à la déraison des sentiments qui vient tamiser la philosophie des lumières.
Ecrit en 1774, le roman suit donc le jeune Werther envoyé dans un village pour des affaires de famille. Il y fait la connaissance de Charlotte, jeune femme, orpheline de mère, qui élève avec le plus grand dévouement ses frères et soeurs dans un cadre bourgeois. Il en tombe éperdument amoureux. le drame de Werther est que la belle est déjà fiancée à un autre, à qui sa mère l'a promise sur son lit de mort. Albert, le fiancé, est un homme aussi honnête que lisse qui se prend d'amitié pour Werther tout en étant conscient des sentiments du jeune homme pour sa Charlotte. Les trois personnages sont des êtres loyaux, incapables de transgresser les conventions et les promesses. Cet amour inassouvi est insupportable pour Werther et à travers les lettres écrites à un proche, le lecteur l'accompagne dans sa descente vers les abysses de la détresse psychologique.
Dans un tel triangle amoureux, il est souvent de coutume de faire du fiancé un monstre de jalousie, violent et soiffard. Cela permet de moraliser la passion interdite. Dans le roman, ce personnage est au contraire sympathique et dévoué, ce qui emprisonne d'autant plus les sentiments de Werther. J'ai trouvé que cette subtilité confère une touche de réalisme qui renforce le propos. Charlotte, de son côté, incarne la raison (moins dans l'opéra de Massenet où ses sentiments amoureux sont beaucoup plus affirmés) et elle tente en vain de détourner Werther de sa passion pour elle.
Ce roman comporte nombre d'emprunts à la vie de Goethe : ce dernier a eu une liaison avec une Charlotte, la fiancée d'un proche. Un autre de ses amis s'est suicidé avec un pistolet par amour.
Pour autant, « Les souffrances du jeune Werther » ne constitue pas une apologie du suicide et Goethe a toujours eu un jugement personnel critique envers ce héros qui fit sa gloire dès sa parution dans toute l'Europe.
Un chef d'oeuvre à prescrire à nos coeurs balafrés.
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