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Critique de Arthur409


Tarass Boulba, chef d'un clan cosaque, accueille ses deux fils qui reviennent chez eux après avoir suivi quelques années d'études dans un séminaire. Pour lui, ces études ne sont là que pour donner un semblant d'éducation, et il va faire des hommes de ses fils par le seul moyen qu'il estime valable : les emmener à la guerre.
Manque de chance, à ce moment la paix règne entre les Cosaques et leurs trois ennemis traditionnels : les Tatars, les Turcs et les Polonais. La paix avec les Turcs est d'ailleurs garantie par un serment des Cosaques sur leur religion, la seule valeur qu'ils respectent… Qu'à cela ne tienne, Tarass s'emploie à faire destituer le vieux « kochevoï », le chef militaire des Zaporogues, et à le remplacer par un jeune moins regardant sur les principes : les hostilités reprennent rapidement contre les Polonais.
Au cours de cette guerre, Tarass Boulba perd successivement ses deux fils. Ne pensant plus qu'à la vengeance, il se lance avec ses hommes dans une folie meurtrière, écumant la campagne polonaise et massacrant aveuglément hommes, femmes et enfants, jusqu'à ce qu'il soit capturé et finalement exécuté. (Cette partie de l'oeuvre rappelle curieusement la vie de Geronimo, le chef apache qui avait déclaré une guerre sans pitié contre les Blancs, responsables du massacre de sa famille.)
Voilà donc une histoire très « virile », avec une référence constante au « sens de l'honneur », qui consiste à prendre pour prétexte la défense de la religion orthodoxe pour se livrer à la violence et au pillage contre les ennemis traditionnels, et quelquefois en étendant les exactions aux Juifs qui ont le tort de se trouver là. C'est ce même sens de l'honneur qui est parfois évoqué pour des caïds de la pègre ou de la mafia. J'avoue être assez peu sensible à cette argumentation : un mafioso, même s'il prend soin de sa famille et se rend régulièrement à la messe, est avant tout un malfaiteur et parfois un assassin ; et Tarass Boulba n'est qu'un chef de guerre qui recherche une gloire personnelle, sans aucun sentiment pour sa famille (voyez comment il traite son épouse !)
Alors, que penser du livre ? Gogol l'a-t-il écrit pour exalter une image de la « nation » cosaque à laquelle il croyait lui-même, son « Tarass Boulba » étant l'équivalent de notre « Chanson de Roland » ? On peut noter en particulier au chapitre 6 la description des combats qui m'a beaucoup fait penser au style de l' « IIiade » :
« Ainsi qu'un épervier qui, après avoir tracé des cercles avec ses puissantes ailes, s'arrête tout-à-coup immobile dans l'air, et fond comme une flèche sur une caille qui chante dans les blés près de la route, ainsi le fils de Tarass, Ostap, s'élança sur l'officier polonais et lui jeta un noeud coulant autour du cou. le visage rouge de l'officier rougit encore quand le noeud coulant lui enserra la gorge. Il saisit convulsivement son pistolet, mais sa main ne put le diriger, et la balle alla se perdre dans la plaine. Ostap détacha de la selle du Polonais un lacet en soie dont il se servait pour lier les prisonniers, lui garrotta les pieds et les bras, attacha l'autre bout du lacet à l'arçon de sa propre selle, et le traîna à travers champs, en criant aux Cosaques d'Oumane d'aller rendre les derniers devoirs à leur ataman. »
On peut aussi penser qu'il y a une certaine dose de dérision dans ce roman, et un contraste voulu entre la vie de bravache de Tarass Boulba et sa mort misérable.
Je me garderai de trancher. Je laisse à Gogol le bénéfice du doute … Quoi qu'il en soit, je reconnais avoir lu ce livre avec plaisir, non pas pour le fond qui n'est (peut-être) pas en accord avec ma nature pacifiste, mais pour le talent de narrateur de l'auteur : les descriptions sont de véritables tableaux, les personnages sont vraiment réalistes et je ne me suis pas ennuyé une seconde.
Je le recommande à tous les amateurs de littérature russe.

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