Les enfants fichus

Voici un recueil bien particulier. Les Enfants Fichus est un ensemble de 26 doubles-pages composées d'un vers et d'une illustration prenant une page entière. Là encore pourrait s'arrêter la spécificité, laissant le tout calme et presque banal. Mais il n'en est rien : l'auteur nous présente, dans ce recueil, 26 morts d'enfants qui suivent un abécédaire très précisément respecté. le tout est assez noir, très sombre pour sûr. Cela peut mettre mal à l'aise certaines personnes, c'est certain, mais je pense honnêtement que l'intérêt du livre dépasse ces petits détails que sont les enfants morts. Il y a un esthétisme propre dans les dessins de Gorey qui présente une noirceur encore plus profonde que celle provoquée par la mort omniprésente. Les enfants se représentés habillés, marchant, semblant presque âgés, se rapprochant des dix ans, mais ils sont toujours représentés dans un environnement en proie au gigantisme, et semblent avalés, écrasés sous le poids du dessin et des décors. C'est assez étrange à voir, cette difformité qui tue plus les enfants que la mort elle-même. Chaque vers accompagnant chaque dessin est un alexandrin parfaitement maîtrisé offrant une nouvelle ouverture aux dessins – parfois nous ne comprenons pas que ceux-ci sont synonymes d'une mort certaine, mais les vers apportent la connaissance du phénomène. Il s'agit d'un petit objet d'art qui a inspiré nombre de personnalités connues de l'illustration gothique et morbide (entendez par là Tim Burton qui a ouvertement exprimé qu'il s'en était beaucoup inspiré pour ses films et ses ouvrages dessinés, et cette influence s'est tellement ressentie que parfois je me disais que Burton aurait faire lui-même ce recueil d'enfants), très connu aux Etats-Unis surtout, il est resté confidentiel en France et je trouve cela bien dommage. Ce petit ouvrage mérite bien plus de respect, bien plus de considération, des larmes ou encore de la peur.

Ainsi bonne découverte que ce recueil, le sanglant et la finesse de la mort omniprésente m'ont absolument fait chavirer le coeur. C'est d'une beauté froide et cruelle. On suit un abécédaire d'enfants, un abécédaire de mort, et c'est dans la complétion que tout se fait. Malgré leur jeune âge, leur mort ne pourrait avoir de meilleure représentation. le morbide est, ici, si envoutant. {20}
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