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Critique de Eric75


Le très bon niveau se poursuit avec ce 9e album, prépublié et sorti en 1966. L'alternance « village » versus « voyage » semble s'établir depuis plusieurs albums déjà, cependant on a affaire ici à un contexte nouveau qui a le mérite de réunir avantageusement les deux situations, puisqu'il s'agit maintenant de découvrir sans se déplacer une civilisation étrangère qui s'installe le temps d'un album sur la plage du « petit village que nous connaissons bien ».

« le petit village que nous connaissons bien », c'est d'ailleurs ce que prétend le commentaire de la toute première vignette de l'album. A d'autres ! Vous aurez constaté comme moi que le plan cadastral du village évolue sans cesse et les débats font encore rage aujourd'hui pour localiser précisément le morceau de littoral grossi par la loupe de la page 3 focalisant sur les quatre camps retranchés. Les trois rochers qui émergent de la mer et représentés sur cette page seraient un indice. Les hautes falaises servant de décor à l'album me paraissent être également un indice de taille. Aux dernières nouvelles, le petit village se situerait dans un lieu aujourd'hui appelé « Erquy ». Dans les environs d'Erquy, on retrouve bien à la fois la plage, les falaises et les trois îlots. C'est par cette plage que les Normands débarquent.

L'assimilation des Vikings, ces fameux Normand ou « hommes du Nord » venus des contrées froides nous envahir à l'époque carolingienne, aux Normands « made in Normandie » qui habitent cette belle région aux vaches rousses, blanches et noires, sur lesquelles tombe la pluie ♫♪, est l'un des ressorts comiques permanent de l'histoire. A savoir, ces Normands-là ne rechignent pas à boire du calvados ou calva (page 10) dans les crânes des vaincus, inondent de crème tous leurs plats cuisinés (pages 9 et suivantes, tout y passe : soupe, escalope, poulet, sanglier, fraises, saucisses et même de la crème à la crème), chantent « Je veux revoir ma Normandie » (page 14), pratiquent le trou normand (page 14) et font des réponses de Normand (page 47).

Les allusions à notre époque (ou plutôt à l'époque de la parution de l'album) restent incontournables et omniprésentes dès les premières pages : le nom du facteur Pneumatix évoque le transport du courrier par air comprimé exploité jusqu'en 1984 par les PTT (page 5) ; le char sport de Goudurix est construit à Mediolanum (Milan) en référence au constructeur automobile Alfa Roméo (page 6) ; le Monkix est une danse endiablée de Lutèce qui parodie clairement le défunt Monkiss, populaire au début des années 60 (page 7) et dont les dernières traces n'existent que sur des vidéos de l'INA.

Assurancetourix va jouer un rôle essentiel dans cet album. Ses puissantes vocalises font tourner le lait des vaches (pages 34 et 36) et les petits et gros animaux de la forêt s'enfuient terrorisés tant l'entendre chanter est insupportable (page 36). Après la potion magique, le chant d'Assurancetourix est l'arme secrète qui sera plusieurs fois utilisée dans les albums. La réaction des animaux de la forêt aux péripéties de l'histoire devient un running gag (voir aussi le Tour de Gaule) et leur présence montre l'attachement revendiqué d'Uderzo à l'héritage de Disney.

La présence des femmes dans l'album – l'un des fils rouges de mes critiques des premiers albums – est encore confidentielle, malgré une petite avancée. J'ai recensé les personnages suivants : deux villageoises assistent à la tournée du facteur Pneumatix (page 5) ; six jeunes femmes stéréotypées et alignées participent au bal donné en l'honneur de Goudurix (page 7), on constate une réelle avancée depuis le premier bal animé par Assurancetourix dans Astérix le Gaulois, qui était exclusivement masculin ; une mère normande réprimande son fils qui ne veut pas manger sa soupe à la crème (page 9) ; une servante normande apporte un plateau de crânes remplis de calva (page 10) ; quatre villageoises dans la foule assistent à la harangue de Goudurix qui veut prévenir le village du danger que représentent les Normands (page 15) ; une villageoise s'adresse à Obélix qui recherche Assurancetourix (page 32) ; une fermière en train de traire une vache rousse blanche et noire ♫♪ s'adresse à Obélix (pages 34 et 36) ; et pour terminer, aucune femme n'est présente au banquet final (page 48), la pudeur reste de mise.

Une remarque encore et une pensée émue pour le mystérieux Océanonix (cité page 5), frère d'Abraracourcix et père de Goudurix, que l'on ne voit jamais et qui habite Lutèce. Malgré les nombreux déplacements à venir de nos héros à Lutèce, il ne sera plus jamais question de lui, il a semble-t-il disparu de la mémoire collective du village. Même quand Abraracourcix se déplace à Lutèce, c'est généralement pour rencontrer Homéopatix, le frère de Bonemine. Océanonix a donc rejoint Amérix (le frère d'Obélix qui apparaît dans La Serpe d'Or), dans le cimetière des héros oubliés de la série. Les auteurs se souviendront-ils un jour de l'existence de ces deux personnages ?

Pour cette fois, et de façon tout à fait exceptionnelle, Assurancetourix est invité au banquet final, en remerciement des services rendus et sans doute pour lui ôter toute envie de repartir pour Lutèce. Tandis qu'il joue d'un instrument sans chanter et danse sur la table avec Obélix et Goudurix, c'est automatiquement Cétautomatix qui se retrouve ligoté et suspendu à un arbre.

Je tiens à remercier pour terminer Stone et Charden à qui j'ai emprunté innocemment quelques paroles de chanson pour illustrer cette critique, dans une tentative de prolongation de l'humour de cet album. En Gaule, c'est bien connu, « tout finit par des chansons », pour paraphraser Beaumarchais et Astérix (page 46), et si Olaf s'est pris une grosse baffe, ce n'est que partie remise, les Normands ne sont pas venus faire la guerre, « leurs descendants s'en chargeront dans quelques siècles », annonce Olaf Grossebaf (page 31). Et ce sera alors peut-une autre chanson : la Chanson de Rollon…
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