Citations sur Lettres-Poèmes : Correspondance avec Gaudi (9)
Quand je
pense à
nos corps
ensemble,
je pense à
la cathédrale
de Majorque.
S’aimer, c’est
comme juxtaposer
trois verres ayant
chacun le visage
d’une couleur
primaire, en
prenant (bien)
soin de varier
l’épaisseur du
cristal afin que
puisse être graduée
l’intensité de la lumière.
27 avril 1927
Extrait de la lettre-poème
du 12 avril 1926
Je ne sais si ma dernière
lettre-poème est parvenue
jusqu'à
toi ; tu ne m'as rien soufflé
de son contenu, pas la plus
petite poussière d'écume.
Parle-moi de toi. J'aimerais
que tu me fasses part du
bleu or (un bleu qui soit
ombré juste pour que, par
l'ombre, passe quelque
chose de l'or)
de ton existence.
Je t’écris entre deux
vitesses, laissant mon
attention vagabonder,
non, retrouver son
chemin vers toi. Nos
lettres. Le temps
d’attente qu’elles
construisent autour
d’elles, dont elles
s’entourent.
14 avril 1926
LETTRE-POÈME DU 15 JUILLET 1925
Extrait 3
…aussi frêles que plumes couchées
par le vent sur un panier de coquillages
(cette image s’impose à moi,
…
avec son lot d’images me suffit) eux-mêmes
fêlés par une main enfant qui a cru attraper
la mer au vol, mais n’a retenu que ces
instants
de nacre irisés (que l’on porte à l’oreille
quand
cela se peut, pour écouter, quoi ? Pas la
mer,
pas le vent. L’envie de mer, l’envie de vent,
qui nous tenaille, et fait advenir notre cœur
au-dehors de nous, et non plus en dedans.)
LETTRE-POÈME DU 15 JUILLET 1925
Extrait 2
pour concevoir une unité
qui à aucun moment les fait
mourir en tant qu’individualités
pour les faire se muer dans un
tout qui serait l’indistinction.
Des voix, comme toute voix,
aussi frêles que plumes couchées
par le vent sur un panier de coquillages
(cette image s’impose à moi, je ne sais
pourquoi, je ne cherche pas à le savoir : la
gratuité du ressac des images en moi me
suffit ; la vie qui traverse dans sa
gratuité
...
LETTRE-POÈME DU 15 JUILLET 1925
Extrait 1
Dans mon rêve, cette nuit, j’étais
entourée de très nombreuses
personnes, dans un hall de gare.
Elles parlaient fort, ensemble, et
pourtant j’arrivais à distinguer
chaque voix, chaque voix
séparément, à en suivre
le sens. Il n’y avait aucune
cacophonie. Je songeais
à Mozart, à la façon dont
il entrelace les individualités
sonores, dans ses opéras,
...
Extrait de la lettre-poème
du 23avril 1926
Extrait 1
Rentrant à l'instant
chez moi, clés,
manteau, repas
léger, douche rapide,
le ronronnement
de la chaudière,
l'impatience joyeuse.
Tes mots. Une autre
journée sans fin qui
néanmoins s'achève.
…
Extrait de la lettre-poème
du 23avril 1926
Extrait 2
Chut. Je fais « Chut »
au bruit, aux agitations,
et je m'installe dans le
silence, tout bruissant
de pensées. De pensées
qui te sont destinées. Ou
plutôt, qui se reconnaissent
comme étant liées à toi, sans
brusquerie possible, comme si
c'était l'évidence même, de naître
pensées et de savoir que l'on allait
s'attacher à toi, de tous ses contours,
de toute cette durée si légère de sa vie
de pensées, durée si légère et sans cesse
re-
commencée.
Extrait de la lettre-poème
du 14 avril 1926
…La
marche de l'univers
avec laquelle elles se
confondent, au
point d'être tout,
au point de reléguer
au rien tout ce qui est
de si grande importance
aux yeux du monde, et à
nos yeux d'avant, lorsque
nous étions dans l'oubli
de nous-mêmes, de la
grande certitude, lorsque
nous ne nous connaissions
pas encore. J'ai pressenti,
depuis longtemps déjà,
que tu as choisi ce moyen
pour que le fil ne soit
pas rompu entre nos
deux paroles, entre
nos deux silences
bruissants de pensées
elles-mêmes bruissantes
comme bruit une ruche
alors que l'automne rend
vague le bleu qui appuie
sur les feuilles des arbres
sur leurs
veines